Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 57.djvu/632

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ensommeillée de M. Delaplanche, qui dort sur un fauteuil à dossier circulaire, est une œuvre non point sans valeur, mais sans signification. M. Aizelin a mis dans sa Marguerite qui revient de l’église, les yeux modestement baissés, la grâce virginale rêvée par le poète. Il ne faut pas en vouloir à l’artiste d’avoir sculpté Marguerite, qui est « belle, » mais qui n’est point « demoiselle, » comme elle le dit très bien, avec une jupe longue. S’il lui avait donné la jupe courte mentionnée dans le texte de Goethe, personne n’eût reconnu Marguerite. Un costumier d’opéra en remontre au Jupiter de Weimar, et son caprice a force de loi !

Clésinger a passé les dernières années de sa vie à sculpter quatre statues équestres qui doivent être placées au champ de Mars, devant la façade de l’École militaire. Marceau et Boche ont déjà été exposés, Carnot est au moulage, voici Kléber. L’uniforme des généraux de la première république, qui n’était rien moins que simple : grands panaches, grandes écharpes, grands revers d’habit, grandes cravates à la Saint-Just, prête à la sculpture décorative telle que l’entendait souvent Clésinger. Kléber est représenté dans le feu du combat, le sabre levé, comme s’il ralliait autour de lui les grenadiers du Mont-Thabor. C’est une statue pleine de vie et de mouvement, bien digne du sculpteur qui, lui aussi, « a fait trembler le marbre, tant grosse que fût la pièce. » M. Frémiet a évoqué un Porte-Falot du XVe siècle dans son type rigoureusement caractérisé et dans son costume scrupuleusement exact. Bien campé sur son petit cheval et portant le hoqueton aux armes de la ville, cet homme ne reconnaît pas d’autre autorité que celle du prévôt de Paris, Robert d’Estouteville, et n’entend pas d’autre français que celui de Philippe de Commines et de Pierre Gringoire. Ces caractères d’une époque disparue se retrouvent dans le Routier à cheval, de M. Tourguénef. Ce chevalier de grand’chemin est assurément sans peur, mais non point sans reproche. S’il est le premier à l’attaque, il n’est pas le dernier au pillage, et lorsqu’il chevauche en éclaireur sur les flancs de l’armée, il ne se fait pas faute de détrousser un juif, voire même un bon chrétien.

Ingres, par M. Oudiné ; Hippolyte Flandrin, par M. Dégorge ; le Général Chanzy sur son lit de mort, par M. Groisy ; le Baron Taylor, par M. Jules Thomas, et encore le Baron Taylor, par M. Briden, sont à peu près les seules statues iconiques de quelque valeur. Pour les bustes qui se comptent par centaines, bien peu méritent d’être mentionnés. Nous en citerons seulement quelques-uns, à la fortune du souvenir. Parmi les bustes-types ou de fantaisie, nous nous rappelons l’Ymagier du roy, de M. Marquet de Vasselot et l’Évêque du Xe siècle, de M. Carriès, deux créations remarquables par le caractère des