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M. Got a peint Mme D*** dans un ajustement très riche et très décoratif qui rappelle les portraits du commencement du XVIIIe siècle. La facture est libre et ferme ; on ne saurait trop engager M. Got à persister dans cette manière. On retrouve dans le portrait de M. Fantin-Latour la sincérité habituelle de l’artiste devant le modèle. Mais la facture truitée, truellée, mosaïquée nuit à l’impression de cette œuvre si profondément sentie. — L’épiderme féminin n’est pas une peau de chagrin. Un portrait tout à fait remarquable est celui de Mme M***, par M. Maxime Faivre. La couleur est belle, la tête savamment construite sous l’enveloppe d’un modelé très ferme et très suivi. Le portrait de Mme X***, de M. Stewart, qui est d’un coloris vif, pèche par le dessin. Dans le portrait de Mme L.-L., par M. Wœrtz, on remarque surtout la superbe exécution du bras nu. Il y a du talent dans le portrait de M. Paul Foucher par Mlle Venot de Hauteroche. L’enfant somptueusement vêtu qu’a peint M. Toudouze a dans les carnations des pâleurs de cire. M. Callot expose un portrait de jeune homme où il a rendu avec éclat la fine coloration de la peau. M. Maurin continue à détailler les méplats, les dépressions, les imperceptibles rides du visage avec une exactitude scrupuleuse. Le portrait d’une femme âgée par M. Neil Whistler est peint en camaïeu noir et gris ; il faut aimer la sobriété, mais pas à ce point. Bien que nous voulions être très bref, la conscience nous impose de citer encore les portraits signés Parrot, Humbert, George Lehmann, Auguste Leloir, Muraton, James Ligner, Friant, Claudie, Albert Aublet, que recommandent ou la largesse de la touche, ou la précision du modelé, ou l’éclat de la couleur, ou le charme du sentiment, ou la sévérité de l’expression.


V

Les bêtes ont aussi leurs physionomies. Il arrive qu’on emprunte aux animaux les traits distinctifs de la face pour caractériser un visage humain. Les Grecs avaient créé pour Junon l’épithète de βοῶπις (boôpis) ; (aux yeux de bœuf) et l’on dit communément un nez d’aigle, un front de lion, un air félin. Des portraits d’hommes nous passerons donc aux portraits de bêtes, ce qui nous fournira une transition pour arriver aux paysages. Les animaux sont pour ainsi dire partie intégrante du paysage. Sans eux la nature semble en être encore au quatrième jour de la création. Elle est morne et désolée. Il suffit d’une vache qui paît l’herbe de la prairie, d’un chevreuil qui bondit dans les broussailles, d’une mouette qui rase la crête des vagues pour animer un site, pour donner un caractère de vie à la plaine, à la forêt, à l’Océan.