Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 57.djvu/616

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

empanaché sur la pointe du sabre, les cheveux flottans, l’œil un peu égaré, le représentent marche en tête de la colonne d’attaque au milieu des tambours qui battent la charge., Derrière Carnet s’élancent les volontaires, la baïonnette en avant.

Le tableau de M. Henry Dupray n’est pas précisément une page d’histoire nationale, maie c’est une curieuse scène militaire enlevée d’une touche vive et ferme. Dans ces sortes de sujets, M. Dupray préfère le pittoresque au dramatique. Il s’agit encore d’un épisode des grandes manœuvres. Nous sommes transportés sur la principale place d’une petite ville, — mettons Thiviers (12e corps d’armée) ou Dreux (5e corps), — devant l’hôtel du Cheval blanc ou du Soleil d’or. Il est midi. L’état-major a achevé son repas sommaire, et général en chef, divisionnaires et brigadiers, chefs et sous-chefs d’état-major, aides-de-camp, officiers d’ordonnance, prévôts divisionnaires, attachés militaires allemands, suisses, anglais, rosses, autrichiens, italiens, venus de Paris afin de suivre les manœuvres, montent à cheval pour se rendre sur le lieu de l’action, laquelle n’en est encore qu’à la période de préparation : concentration des troupes, dispositions d’attaque et rencontres d’avant-gardes. A droite, débouchant d’une rue en perspective, s’avance un régiment de dragons. La tête de colonne a grand’peine à se frayer passage au milieu de cette cohue d’officiers de tout grade, de gendarmes d’escorte, de naturels de l’endroit qui n’ont jamais vu tant de « militaires, » et de fantassins (des réservistes sans doute) qui ont quitté leur rang, malgré l’ordre formel, pour dévaliser argent comptant les charcutiers de la ville et qui courent bien vite rejoindre leur compagnie. la scène est prise sur le vif. M. Dupray a bien réussi à donner l’aspect juste d’une ville soudain envahie et occupée militairement en pleine paix, d’une ville mise à sac pour rire.


III

Nous avons passé en revue les peintres de la mythologie et du nu, qui sont encore nombreux, les peintres religieux, qui menacent de disparaître, les peintres d’histoire, qui sont plutôt des chroniqueurs que des historiens. Nous parlerons maintenant des peintres de genre. Leurs tableaux ont pour la plupart les dimensions de l’Apothéose d’Homère et de l’Entrée des croisés à Constantinople, mais ils n’en sont pas moins, à quelques exceptions près, des tableaux de genre, et de genre déplaisant.

Pour les Deux Sœurs, M. Charles Giron s’est visiblement inspiré de la Fête du 14 juillet, de M. Roll. Seulement le sujet choisi par M. Roll appartient en quelque sorte à l’histoire, le peintre était