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moins connues, et d’abord à la Vénus, de M. Antonin Mercié. Elle est charmante, cette Vénus, mais bien faite pour étonner un peu. M. Mercié n’a pas transporté dans la peinture, comme on s’y pouvait attendre, ses qualités de statuaire. Cette figure n’est remarquable ni par le caractère de la pose, ni par la sûreté du dessin, ni par l’élévation du style ; elle séduit au contraire par la souplesse ferme de la pâte et la lumineuse harmonie du coloris. M. Mercié se révèle comme un peintre de beaucoup de talent. Mais que l’auteur du David et du Gloria victis n’oublie pas, au milieu des enchantemens de la palette, qu’il est un statuaire qui a un peu plus que du talent. M. Emmanuel Benner s’est enfin dégagé de l’influence de M. Henner, qui enlevait à ses tableaux toute valeur d’originalité. C’est dans une manière très personnelle qu’il a peint les Grâces. Dans un paysage d’une grande clarté et d’une grande fraîcheur, trois belles et fortes filles nues arrangent leurs cheveux. L’invention est ordinaire et la composition est nulle, car ces figures, toutes trois sur le même plan, ne se groupent pas. On ne peut donc louer dans ce tableau que la noblesse du dessin, la grâce simple des attitudes et l’agrément de la couleur : c’est déjà beaucoup. Une ébauche de M. Zacharie, appelée la Femme aux pigeons, vaut bien qu’on la signale, nonobstant ses négligences et ses incorrections. La figure tourne admirablement, la tonalité est des plus fines et des plus vraies. C’est bien de la chair et de la chair fraîche, sans toutefois que le sang y afflue à fleur de peau comme dans les bacchantes de Rubens. M. Wencker expose une Baigneuse. On ne saurait modeler une femme nue dans une pâte plus souple et plus grasse ; on ne saurait aussi choisir un modèle plus vulgaire, et nous disons vulgaire par euphémisme. Le Bain turc, de M. Debat-Ponsan : une jeune femme étendue à plat ventre sur la dalle et massée par une négresse, n’a pas non plus beaucoup de poésie, mais cette scène de hammam, d’ailleurs très solidement peinte, n’en comportait pas. La belle Romaine de M. Robaudy est une figure de style ; pour cela, elle ne manque ni de fermeté dans l’exécution ni d’harmonie dans la couleur. Les draperies blanches qui la recouvrent tout entière ressortent avec beaucoup de relief sur la muraille blanche. Les valeurs locales sont des mieux observées ; ici, ce sont bien les tons chauds et mats de la laine, là, c’est bien le froid luisant du marbre. M. Hector Leroux, un Romain égaré, fort heureusement pour nous, dans le monde moderne, ouvre le sacrarium, en français la sacristie d’un temple, ou encore l’oratoire d’une maison patricienne. Trois jeunes filles chastement vêtues, — des Vestales, à en juger par l’inscription de l’abside, — font leurs ablutions matinales près d’une fontaine de marbre. On aime toujours à revoir ces charmantes figures