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l’aristocratie anglaise sont des faits connus. Certains titres nobiliaires de la Grande-Bretagne ont été portés successivement par six, sept, huit familles, quelquefois plus. Le peerage actuel n’est généralement pas de date ancienne ; les deux tiers des lords (deux cent soixante-douze sur trois cent quatre-vingt-quatorze) datent de 1760. Les mêmes observations ont été faites pour l’aristocratie vénitienne et pour la noblesse française. La conclusion est identique pour tous ces cas : la dégénérescence et la stérilité, qui n’en est qu’une des manifestations, l’extinction des familles privilégiées, ne sont, à ce que prétend l’auteur, que le résultat direct de leur position exclusive, en vertu de laquelle ces familles s’unissent entre elles et, sans faire précisément des mariages consanguins, choisissent les conjoints toujours dans le même milieu social, élevés identiquement, ayant subi les mêmes influences, vivant de la même vie et s’épuisant ainsi réciproquement par une sélection continuée.

Des phénomènes non moins significatifs s’accomplissent dans la population des grandes villes, qui représentent une sorte d’aristocratie intellectuelle à l’égard des campagnes par l’attraction qu’elles exercent sur tous les hommes, non-seulement de talent, de capacité, mais simplement plus actifs ou plus avisés qui arrivent de tous les points du pays. C’est donc là, une sélection véritable qui s’opère dans la nation, un triage d’intelligence et d’activité, et une sélection qui se complique d’hérédité, puisqu’il est rare que les habitans des villes aillent se marier à la campagne. C’est par là que l’on explique les manifestations les plus nombreuses et les plus aiguës de l’excitation mentale, suicides, crimes, folies, développemens multiples de la névropathie, stérilité. On a prouvé par des calculs très exacts que l’extinction des familles est un fait général à Paris. La population de cette capitale serait vite éteinte sans l’immigration venant des provinces. C’est une autre forme tragique de la même loi, la dégénérescence par la sélection. A la suite de toutes ces expérimentations poursuivies à travers l’histoire des races et des peuples et toutes convergentes vers le même résultat, l’auteur conclut par des paroles tristes. Une sorte de pessimisme inspire ses dernières pages. Toute supériorité se paie : les familles privilégiées, souveraines, aristocratiques, intelligentes, savantes, riches, actives, disparaissent fatalement. La science, l’art, les idées, pour naître et se développer, consomment des générations et des peuples. Les lois de la nature sont immuables et malheur à qui les viole ! Chaque privilège quel homme s’accorde ou qu’il prend par la supériorité de son esprit ou de son mérite est un pas vers la décadence. Toute distinction intellectuelle et sociale amène comme compensation infaillible un retour en arrière. La nature semble avoir tout organisé pour l’égalité. Par le moyen de la mort, elle nivelle