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pas dire des leçons, qui ne sont peut-être pas à dédaigner pour les chambres et pour le gouvernement, si les projets de loi récemment déposés devaient être prochainement mis en discussion ? Les questions qu’ils soulèvent méritent au plus haut degré de fixer l’attention de tous ceux qui s’intéressent aux affaires de l’Algérie. Ces questions sont nombreuses et délicates, de plus, assez confuses par elles-mêmes et fort mal connues. Il y aurait hardiesse de ma part à les vouloir aborder toutes. Je me sens toutefois encouragé à en traiter quelques-unes, non les moins importantes, en m’apercevant que les idées qui me sont propres ne sont pas loin d’être partagées dans notre colonie par des personnes d’une autorité incontestable siégeant au conseil supérieur de l’Algérie, ou dans les conseils-généraux des trois départemens. La compétence spéciale des membres du conseil supérieur du gouvernement, composé de fonctionnaires haut placés dans la magistrature, dans l’armée, dans l’administration, celle des délégués élus par chaque département, donnent aux opinions émises par eux une valeur dont il est impossible de ne pas tenir grand compte, et je crois discerner qu’ils ne conviennent pas tous également des avantages attribués par de trop ardens promoteurs à la colonisation officielle de l’Algérie, directement entreprise par l’état lui-même. J’ai des craintes à ce sujet. Pour ce qui regarde nos compatriotes des provinces annexées, je ne serais pas, à coup sûr, indifférent aux bénéfices que, les premiers sans doute, ils seraient appelés à recueillir des sacrifices consentis par l’administration. Mais, à un point de vue plus général, sont-ce bien là des sacrifices vraiment utiles auxquels un gouvernement prudent et judicieux doive se prêter ? J’hésite à me prononcer, car je ne suis nullement un théoricien. Les règles abstraites de l’économie politique m’imposent plus qu’elles ne me plaisent. Je crois que leur rigoureuse exactitude risque parfois d’induire en erreur, parce qu’elles ne tiennent pas assez compte de la complexité des choses de ce monde. D’un autre côté, je sais que les entraînemens d’une sympathie mal raisonnée peuvent nuire aux intérêts qu’on aurait le plus à cœur de servir.

Dans la prochaine étude, où je tâcherai d’élucider un peu ces questions épineuses, j’aurai donc à faire effort pour garder une disposition d’esprit suffisamment impartiale à l’égard de deux causes qui me sont également chères : le sort des Alsaciens qui songeraient à se réfugier en Algérie, et les futures destinées de notre belle colonie africaine.


Cte D’HAUSSONVILLE.