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de la vérité, mais de la faire toucher, pour ainsi dire, au doigt et à l’œil.

Les territoires concédés en toute propriété par décrets présidentiels à la société de protection, pour être attribués par elle à des Alsaciens-Lorrains, c’est-à-dire Azib-Zamoun, aujourd’hui Haussonviller, Boukalfa et le Camp-du-Maréchal, sont d’une contenance d’environ six mille hectares, à peu près celle de quelques-uns de nos cantons français les plus petits, mais les plus peuplés, tels que Douai et Dunkerque dans le Nord, Aix et Nîmes dans le Midi. — Séquestrés sur les Arabes à la suite de l’insurrection de 1871, ces territoires sont presque contigus les uns aux autres et situés à 80 kilomètres d’Alger sur la route qui mène de cette ville à Tizi-Ouzou, chef-lieu de l’arrondissement de ce nom, et au Fort-National. Le gouvernement s’était engagé à y exécuter, comme pour d’autres centres, dans un certain espace de temps et suivant un ordre déterminé, tous les travaux dits d’intérêt public, à savoir : chemin d’accès, empierrement des rues, conduite d’eau, fontaine, lavoir, abreuvoir et plantations, la construction des édifices communaux, c’est-à-dire, l’église, la mairie, l’école et le presbytère, enfin, tout ce qui concerne le service topographique, c’est-à-dire la délimitation des territoires et l’allotissement des terres à opérer, suivant les indications de la société. Cette dernière prenait à son compte la construction des maisons, le choix et l’installation personnelle des familles, l’achat des animaux et des instrumens de culture, les semences et le mobilier nécessaires à un ménage, enfin la nourriture et l’entretien des colons jusqu’après leur première récolte. Quinze années étaient données à la société pour terminer le peuplement dans trois villages, délai au bout duquel l’état se réservait le droit de rentrer en possession des lots de terrains allotis et non occupés. Avant la fin de la septième année, le peuplement des trois villages était absolument complet. Aujourd’hui, nul ne saurait douter que les populations qui les habitent ne soient acquises pour tout jamais à l’Algérie et qu’elles ne soient destinées à faire souche d’excellens colons. Reste à savoir à quelles conditions ce résultat a été obtenu.

La société avait tout d’abord posé ce principe dont elle ne s’est jamais départie, qu’elle n’accepterait, autant que possible, pour colons que des cultivateurs mariés, ou, s’ils sortaient d’un régiment de l’armée d’Afrique, des fils de cultivateurs libérés du service, ayant été naguère employés aux travaux de la campagne, et s’engageant à se marier si leur demande était accueillie. Les colons une fois acceptés devaient avant de partir pour l’Algérie, ou s’ils y résidaient déjà, avant d’être installés sur la concession, signer une convention dont les clauses à régulariser devant notaire les constituaient moyennant la redevance annuelle d’un franc, quelle que fût l’étendue de la concession, les fermiers de la société pour l’espace de neuf années.