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beaucoup les moins nombreux. Presque tous les Alsaciens étaient des ouvriers de fabrique. Pour ces hommes, entourés la plupart d’une nombreuse famille, habitués à vivre dans des villes opulentes et à y toucher de gros salaires, dont les femmes, les enfans même trouvaient le plus souvent à s’employer à côté d’eux à des travaux rémunérateurs, quelle déception d’être ainsi tout à coup déposés sur une terre brûlante et nue, de laquelle il leur fallait tout attendre et qu’ils n’avaient cependant jamais appris à cultiver ! Ce n’était point le sol qui allait leur faire défaut. Les terrains abondaient par suite du séquestre mis par l’amiral de Gueydon sur les biens des tribus révoltées ; ce qui leur manquait, c’était le moyen de s’y établir n’importe comment. L’administration algérienne avait, en effet, été prise au dépourvu. Dans le premier moment, elle n’avait pas d’argent à sa disposition, car il n’y avait pas eu de crédit régulièrement ouvert, et les ressources nécessaires pour subvenir à tant de besoins avaient dû être prises, non sur les fonds du budget, mais sur les amendes imposées aux chefs insurgés et dont l’amiral de Gueydon avait la libre disposition. Peu à peu quelque ordre s’était mis toutefois dans cette lamentable situation, grâce à la puissante impulsion donnée par le gouverneur-général, grâce aussi à l’activité des autorités administratives civiles, mais grâce surtout, il faut le dire, à l’efficace coopération des commandans militaires des trois provinces, animés, à l’envi les uns des autres, de la meilleure volonté à l’égard de nos malheureux compatriotes et que secondaient sur place, avec un zèle intelligent qui ne s’est jamais lassé, des comités locaux composés à Alger, à Oran et à Constantine des personnes les plus notables du pays. A Oran, les généraux Osmont et Gérez, à Constantine, le général de Galliffet, avaient, avec le plus généreux empressement, prêté des transports d’artillerie et détaché des escouades de soldats du génie pour hâter les constructions destinées à abriter les nouveaux débarqués. Cependant, à la fin de 1872 et au commencement de 1873, il s’en fallait de beaucoup que, dans la plupart des localités, l’installation définitive fût achevée. Les hommes logeaient toujours. sous la tente et la plupart des femmes n’avaient encore de refuge, avec leurs enfans en bas âge, que dans de méchans gourbis improvisés à la hâte. Partout l’état des santés laissait énormément à désirer. Telle était la situation déplorable à laquelle le ministre de l’intérieur résolut de pourvoir en instituant une commission, présidée par M. Wolowski, et chargée de régler et de surveiller l’emploi des fonds provenant des souscriptions publiques primitivement destinées à la libération du territoire et qui, n’ayant pas été réclamés par les souscripteurs, devaient, après un certain délai, être affectés à l’assistance des