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moisson vont commencer et causeront plus de fatigue aux colons que la culture de leurs jardins[1]. » Quelques-uns commencent à se plaindre de l’abandon dans lequel on les a laissés après leur arrivée, et ces plaintes trouvent un écho et peut-être quelques excitations dans les journaux du pays. Le ministre de la guerre est obligé d’intervenir et fait déclarer par une note insérée au Moniteur que les colons venant journellement de Paris ou des départemens ne peuvent avoir droit aux mêmes subsides que les familles désignées sur la proposition de la commission instituée par la loi du 29 septembre 1848[2]. » A Oran, un journal de la localité présente le relevé de ce qui s’est passé dans cette subdivision : « Sur 3,144 colons, 126, dont 75 célibataires, sont déjà partis, soit pour rentrer en France, soit pour reprendre leurs anciens métiers dans les villes de la province, il y en a eu 20 d’expulsés. Dans la subdivision de Mostaganem, sur 1,834 personnes habitant sept villages, 138 ont quitté, dont 67 célibataires. Il y a eu 11 expulsions. Les décès ont été nombreux, et la mortalité a sévi surtout sur les enfans. 90 décès pour 115 naissances. »

Nous ne trouvons point au Moniteur de chiffres précis pour les autres subdivisions, mais nous avons lieu de croire que, dans la province d’Alger et dans celle de Constantine, il en fut à peu près de même. Les départs y étaient nombreux. Parmi les demeurans, les habitudes de fainéantise et d’insubordination avaient pris le dessus ; à Mazagran, des troubles éclatèrent parmi les colons, qui ne voulaient pas reconnaître l’autorité du maire placé à leur tête, et le sous-préfet avait été obligé d’intervenir pour rétablir l’ordre. Les ressources financières pour l’exercice de 1849 ont d’ailleurs été vite épuisées, et le ministre de la guerre annonce, le 2 mars 1849, qu’il ajournera l’envoi de nouveaux convois, parce que, dit-il, la saison est trop avancée, mais, en réalité, parce qu’il commence à concevoir des doutes sur le succès de l’entreprise dont la direction lui a été confiée[3].

Tel était l’état des choses, quand intervint une décision de la commission budgétaire de l’assemblée accordant un nouveau crédit de 5 millions pour envoi de nouveaux colons, et pour secours à donner aux anciens émigrans, mais stipulant : « que l’emploi de ce crédit n’aurait lieu qu’après qu’un rapport circonstancié sur l’état de la colonie algérienne aurait été soumis à l’approbation du corps législatif. » La commission nommée par le ministre de la guerre, afin de dégager sa responsabilité personnelle, partit de Paris le 27 juin pour

  1. Moniteur de 1849, p. 1352.
  2. Moniteur de 1849, p. 2098.
  3. Moniteur de 1849, p. 679.