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Après avoir ainsi exposé non sans tristesse, mais avec impartialité, nous l’espérons du moins, le tort apporté par certaines erreurs de conduite et par des emportemens de parole à tout le moins irréfléchis à une cause qui nous est chère, il nous est agréable de pouvoir signaler une sorte de revirement qui commence à s’opérer dans l’opinion. Cette indifférence pour les affaires de notre colonie, que les Algériens ont tant déplorée sans se douter qu’ils y étaient peut-être bien pour quelque chose, semble en train de faire place à un autre sentiment. La question de la colonisation, c’est-à-dire de la mise en valeur agricole et de l’exploitation industrielle de nos possessions du nord de l’Afrique, vient d’apparaître tout à coup à notre sollicitude patriotique sous un nouvel aspect. Des hommes d’état soucieux des grands intérêts de notre pays, — et par mieux un ancien président du conseil, M. Waddington, et M. de Saint-Vallier, notre ancien ambassadeur à Berlin, — ont du haut de la tribune engagé la France à se préoccuper un peu plus qu’elle ne l’avait fait jusqu’à présent du soin de tirer tout le parti possible des établissemens qu’elle possède encore hors de son territoire. Ils ont pris la peine de lui indiquer qu’elle pourrait trouver ainsi non-seulement l’emploi de son activité naturelle et de son esprit d’entreprise, sans risque d’exciter la dangereuse inquiétude de ses voisins immédiats, mais qu’elle aurait, par surcroît, la chance de recouvrer peut-être au loin et par voie détournée, une influence qui s’en allait décroissant sur le continent européen. L’attention publique vient ainsi d’être successivement appelée sur le Congo et sur Madagascar, sur la Cochinchine et sur le Tonkin. Pour revenir de là en Algérie, le détour est un peu long, cependant nous y avons été ramenés. Les mêmes ministres qui préparent une expédition pour construire un chemin de fer au Congo, pour civiliser les Malgaches, pour mettre les Annamites à la raison et nous assurer la conquête du Tonkin, élaborent, dit-on, en même temps un projet de loi, qui ouvrirait prochainement un crédit considérable pour la colonisation de l’Algérie. Je souhaite un succès complet à tous ces patriotiques desseins, qu’approuvent plusieurs judicieux esprits. Mais le Congo, Madagascar et le Tonkin sont bien loin. Je ne connais pas ces pays, où je n’ai jamais été, où je ne mettrai probablement jamais le pied. L’Algérie, je la connais un peu et je l’aime beaucoup. J’ai suivi de près, pendant ces dernières années, les épreuves par lesquelles elle a passé et ses heureux développemens. C’est pourquoi, sans prétendre traiter les questions multiples qui se rattachent à un pareil sujet, je voudrais tâcher de rendre compte d’une façon précise des divers essais de colonisation successivement tentés pour mettre à profit les incomparables ressources de cette magnifique portion de l’Afrique, afin qu’instruits par l’expérience acquise, nous soyons plus à même de