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lieu de tenir le moindre compte de ce que ces messieurs pouvaient dire ou penser[1]. On en est à se demander quel profit, après avoir poursuivi de leurs attaques tous les gouverneurs que la république leur a envoyés, les feuilles publiques de l’Algérie pensent trouver à ruiner elles-mêmes auprès du parlement et de la métropole le crédit des représentai officiels que naguère elles appuyaient de leur chaude adhésion.

Il y a plus. Ce sont quelquefois de graves personnages qui semblent là-bas prendre un incompréhensible plaisir à dénoncer eux-mêmes leurs propres inconséquences. Pas plus tard qu’au mois de décembre 1880, n’a-t-on pas entendu un membre du conseil-général de Constantine, délégué de ce département au conseil supérieur de l’Algérie, et depuis devenu député, constater de la façon la plus solennelle devant ses collègues légèrement étonnés, qu’un avis important émis, au cours de l’année 1878, par le conseil général de Constantine n’avait jamais été, de sa part, qu’un simple artifice, ayant eu surtout pour but de faire échec au gouvernement militaire d’alors, et que c’était là, il n’hésitait pas à le répéter, beaucoup moins une opinion raisonnée qu’une manœuvre pour arriver à la suppression du gouvernement militaire ? Sur l’observation de l’un de ses collègues que c’était un agissement étrange, de se servir d’armes inavouables pour tomber une personnalité désagréable, et qu’on aurait dû enfouir avec soin pour ne pas s’exposer à sentir le rouge vous monter au visage, le même conseiller-général ne trouvait rien de plus à propos que de maintenir l’exactitude de son assertion et la légitimité du procédé[2].

  1. « … Les républicains, pensant qu’il fallait avant tout sauver la république menacée et la mettre à l’abri de toutes les atteintes, firent (en 1876) les plus grands efforts de propagande en faveur de M. X,.. dont les opinions républicaines leur offraient plus de garantie et de sécurité que celles de son concurrent, sans songer à lui demander quelles étaient ses opinions algériennes ; ils ne lui posèrent pas un instant cette question, dont l’intérêt leur eût paru très secondaire à cette époque. M. X… est un républicain convaincu, ayant passé sa vie à s’occuper des questions politiques, mais n’ayant jamais songé à prendre les questions algériennes au sérieux. Il connaît beaucoup mieux la place du gouvernement que nos villages de l’intérieur, ne parle pas un mot d’arabe, et n’a jamais montré à propos des questions algériennes une compétence dépassant les bornes d’une incontestable médiocrité. L’élection de M. X… et de ses collègues ne fut donc, pas plus que celle des députés algériens, des élections algériennes, mais des élections politiques… Vraie en ce qui regarde les cinq élus de 1876, cette appréciation n’est pas applicable à un sixième représentant, M. ***, qui ne fut nommé qu’en 1877, alors que la question politique avait un peu perdu de son âcreté… On ne peut pas dire que c’est à sa réputation, ni à ses doctrines algériennes qu’il a dû d’être choisi comme candidat par les républicains ardens, par les colons partisans de la décentralisation qui composent la grande majorité des électeurs de la province de Constantine. M. *** a dû uniquement cet honneur à M. Gambetta, qui daigna étendre ses vues sur lui… (Extrait du n° 7,492 de l’Akbar, du 30 juillet 1880.)
  2. Séance du conseil supérieur du 11 décembre 1880, pages 28, 29, 33 et suivantes.