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colonie n’avait alors de représentans officiels ni dans l’une ni dans l’autre chambre ; cependant les combats livrés par quelques-uns des généraux qui escaladaient bravement la tribune comme ils auraient monté à l’assaut d’une ville arabe, et la renommée européenne de la plupart des orateurs mêlés à ce brillant tournoi, n’ont-ils pas été pour quelque chose dans le succès d’une cause qui avait la bonne fortune d’enrôler sous ses drapeaux de pareils champions ? Depuis 1871, l’Algérie, comme cela est de toute justice, choisit elle-même les sénateurs et les députés auxquels elle donne mission de la représenter dans les conseils de la nation. Il n’aurait dépendu que de sa volonté, sans sortir bien entendu des cadres obligatoires du parti républicain, de mettre la main et de porter ses suffrages sur quelque illustration civile ou militaire, fameuse ailleurs que dans les circonscriptions des trois départemens. Elle a procédé autrement. Elle a préféré, cela était certainement son droit, prendre ses mandataires sur place, pour ainsi dire, en raison de leur notoriété toute locale, persuadée apparemment qu’elle serait ainsi en mesure d’exiger de ses élus un souci plus profond et une connaissance plus intime des sentimens et des intérêts des contrées qu’ils allaient avoir l’honneur de représenter. C’était une préoccupation des plus légitimes. Au sénat et à la chambre, on a tout d’abord tenu les représentans de nos départemens algériens pour gens ayant droit d’être consultés, et dont il était convenable de suivre les avis pour ce qui regardait les affaires de leurs mandataires. En fait, le sénat et la chambre ont pris soin, comme en témoigne le Journal officiel, de les faire entrer, autant que possible, dans toutes les commissions ayant à s’occuper de notre colonie ; le plus souvent, leurs collègues les ont choisis pour organes de ces commissions, parce qu’ils s’imaginaient n’être ainsi que justes envers des personnes naturellement désignées à leur préférence par les suffrages des électeurs algériens non moins que par leurs lumières propres et leurs connaissances spéciales. Plusieurs rapports récemment distribués, tant au sénat qu’à la chambre, et les travaux plus anciens de M. Warnier, autrefois député d’Oran, ne sont pas pour détruire cette avantageuse impression. Mais voyez la surprise ! Voici que les journaux de notre colonie se mettent à déclarer hautement, un beau matin, que c’est là, de la part des chambres françaises, une déplorable erreur. à les en croire, sénateurs et députés n’ont jamais été choisis de l’autre côté de la Méditerranée en raison de leurs opinions personnelles sur les affaires propres à l’Algérie, opinions dont on n’avait pas même pris la peine de s’informer. Ils avaient uniquement du leur élection à leur ferveur républicaine ; d’où résultait la conséquence que, dans tout ce qui touchait à l’organisation de la colonie et à la gestion de ses affaires courantes, il n’y avait pas