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déposant une pétition des habitans de Constantine, se mit à réclamer hautement pour les colons le droit de nommer eux-mêmes leurs députés. La discussion avait été brillante. Les objections du ministre de la guerre avaient eu le caractère de simples réserves, tandis que les critiques mises en avant par les membres de l’opposition s’étaient presque exclusivement adressées à la forme que le gouvernement entendait donner aux mesures projetées. Il entendait, en effet, les décréter par la voie du sénatus-consulte, alors que les opposans du corps législatif, devenus exigeans, émettaient la prétention de prendre directement part à leur confection ; mais ces divergences ne portaient point sur le fond des questions engagées. Finalement, le corps législatif se trouva à peu près unanime pour déclarer qu’après avoir entendu les explications du gouvernement sur les modifications qu’il se proposait d’apporter au régime législatif auquel l’Algérie était soumise, et considérant que, dans l’état actuel des choses, l’avènement du régime civil paraissait de voir concilier les intérêts des Européens et ceux des indigènes, il passait à l’ordre du jour. Au cours du débat, M. Jules Favre, récemment revenu d’Afrique, et qui s’était porté l’éloquent interprète des vœux des habitans de l’Algérie, avait pu, sans provoquer la moindre réclamation, s’écrier du haut de la tribune, le 9 mars 1870 : « Vous le voyez, messieurs, la barrière est tombée, car nous nous tendons une main fraternelle pour introniser la liberté. » Ce n’est pas tout. Le 28 mars, M. Léopold Lehon, en son nom propre et au nom de M. Jules Favre, afin de manifester, sans doute, par l’alliance des noms, l’accord survenu entre la majorité et l’opposition à propos de l’Algérie, déposait une proposition de loi dont les nombreux articles réglaient l’organisation future de notre colonie conformément aux vues exprimés par le leader de la minorité. Le gouvernement, par la bouche de M. Ollivier, en acceptait les dispositions principales, se bornant à demander que la discussion des mesures projetées et le vote du corps législatif, renvoyés dans la séance même à sa commission d’initiative, fussent remis à une autre session. Ainsi, plus d’hésitations, plus de retards, plus de fins de non-recevoir opposées aux vœux des habitans de notre colonie ; la sympathie pour leurs légitimes revendications était devenue générale et le moment semblait arrivé, presque à la veille de la chute de l’empire, où l’Algérie allait enfin recevoir, par l’entremise régulière du parlement, après de solennels débats, cette organisation définitive toujours si ardemment souhaitée et qu’aujourd’hui elle attend encore vainement.

Comment se fait-il que tant d’espérances aient été si cruellement déçues ? Comment tant de bons vouloirs n’ont-ils abouti à produire,