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composé de membres élus par les conseils-généraux des départemens civils et composés d’indigènes. Ce conseil supérieur, — où ne siégeait pas, comme aujourd’hui, une majorité de fonctionnaires, — votait, en recettes et en dépenses, le budget du service local et en recevait les comptes. Il donnait son avis sur toutes les questions qui lui étaient soumises et pouvait émettre des vœux sur les objets intéressant l’Algérie. Le gouverneur-général exerçait la plénitude des pouvoirs administratifs et politiques attribués aux ministres. Il participait, lors de sa présence à Paris, aux délibérations du conseil des ministres et représentait le gouvernement devant le sénat et le corps législatif… Un sous-gouverneur assistait le gouverneur-général et le suppléait, en cas d’absence, soit à Paris, soit à Alger. Le gouverneur-général et le sous-gouverneur pouvaient être choisis soit dans l’ordre militaire, soit dans l’ordre civil. »

Quoi de plus sage et, pour l’époque, de plus hardi que ces propositions émanées d’une commission composée de hauts dignitaires de l’état, délibérant sous le contrôle immédiat d’un gouvernement qui n’a jamais passé pour follement épris de la stricte application des formes parlementaires ; et n’est-il pas vraiment surprenant, et j’ajouterai un peu triste, d’avoir à constater que, dans ses lignes principales, particulièrement en ce qui regarde la responsabilité réelle du gouverneur-général de l’Algérie, le projet d’organisation arrêté par les conseillers de l’empire devançait de beaucoup, comme résolution virile, l’ensemble confus des mesures timidement indiquées par les sénateurs et les députés de l’Algérie, et par les quelques fonctionnaires auxquels le ministre de l’intérieur, M. Constans, a jugé bon de s’adresser en 1880, sans que les résultats de cette consultation officieuse, vue d’assez mauvais œil en Algérie, aient eu d’ailleurs la moindre influence vivifiante sur la direction à donner à notre politique algérienne ?

Il n’en avait pas été ainsi en 1870. Dès le mois de janvier, l’attention publique avait été fortement appelée sur les affaires de notre colonie africaine par une discussion du sénat, à laquelle avaient pris part le maréchal de Mac-Mahon, M. Michel Chevalier, les généraux Daumas et de La Rue. Au corps législatif, l’intérêt avait été bien autrement excité, au mois de mars suivant, lorsque M. Léopold Lehon développa à la tribune l’interpellation déposée l’année précédente. La majorité qui avait applaudi sans réserve le jeune orateur, qui avait entendu MM. Lefébure et de Kératry abonder dans son sens, devant laquelle le baron Jérôme David, ancien officier des bureaux arabes, était venu déclarer qu’il était converti à l’idée de substituer désormais la prépondérance de l’élément civil à la suprématie des commandans militaires, ne fut qu’à moitié surprise et ne parut nullement scandalisée quand M. Jules Favre,