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trouver qu’un nombre infime de porteurs de rentes 5 pour 100 assez naïfs pour vouloir un remboursement au pair, il a pu au contraire s’en trouver un nombre très considérable parfaitement résolu à ne pas garder leur rente après réduction et à en retirer le plus fort capital possible par une vente sur le marché. Aucun délai n’oblige d’ailleurs ces porteurs à se presser. Ils pourront vendre dans six mois aussi bien qu’aujourd’hui, et ils ont tout intérêt à attendre une occasion favorable. Il est par conséquent impossible de dire encore si le succès matériel de la conversion se doublera d’un succès moral, par l’acceptation presque unanime de ses conséquences et de ses effets par la masse des rentiers, ou si le déclassement du 5 pour 100 ancien, devenu du 4 1/2, ne prendra pas avec le temps des proportions dont les ventes effectuées au comptant depuis un mois ne peuvent encore donner l’idée.

Ces ventes ont été cependant assez importantes depuis le 1er mai pour causer d’assez vives inquiétudes au sujet de la position de la place. Tout ce qui était offert au comptant a été pris par les établissemens de crédit, non pour être conservé, mais pour être immédiatement vendu à terme et finalement recueilli par la spéculation, amenée ainsi à grossir ses engagemens sur nos fonds public. La spéculation pourrait-elle continuer bien longtemps ce travail d’absorption temporaire, et n’arriverait-il pas un moment, si les portefeuilles ne cessaient de rejeter du 5 pour 100 sur le marché, où les acheteurs à terme se verraient contraints à suspendre leurs ordres d’achats ? Une panique pouvait éclater ce jour-là ; le meilleur moyen de conjurer le péril était d’arrêter le déclassement du 5 pour 100 par un mouvement de reprise destiné à prévenir le public qu’il ne devait pas compter voir le nouveau 4 1/2 pour 100 descendre au-dessous des cours actuels, 109 à 110 fr. C’est jeudi dernier, alors que ce fonds venait d’être assez rapidement précipité par des ventes continues à 108.75, que s’est produite, avec autant d’énergie que d’opportunité, cette intervention salutaire des gros capitaux contre les incertitudes et les craintes des petits portefeuilles. Toutes les offres au comptant et à terme ont trouvé leur contre-partie, et les cours des deux rentes 3 et 5 pour 100 ont été relevés en deux bourses de près d’une unité. Les ventes d’inscriptions pour compte des rentiers de province se sont immédiatement ralenties, et il ne paraît guère douteux que la résignation à la conversion ne soit à peu près unanime, si l’on parvient à tenir le 4 1/2, sans défaillance nouvelle, au cours de 110 francs.

En fait, la conversion n’a pas jusqu’ici déterminé de gros mouvemens de capitaux ; on en trouve la preuve formelle dans le dernier bilan de la Banque de France, où le portefeuille et les avances étaient en diminution et où n’apparaît aucune trace d’opérations d’un caractère anormal. La reprise sur les fonds publics à Paris a coïncidé assez étrangement avec l’élévation, par la Banque d’Angleterre, du taux de