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Le trésor a ainsi dévoré peu à peu la plus grande partie de ses réserves. La dette flottante s’est enflée à un chiffre sans précédent chez aucun peuple civilisé. Comme l’a fort bien dit M. Bocher dans une récente discussion du sénat, le gouvernement a absorbé et les 600 millions fournis par les excédons, ou les prétendus excédens des exercices de 1875 à 1882, et l’avance de la Banque de France, et les sommes que lui a procurées la réduction de son compte créditeur à la Banque. Il a emprunté en pleine paix, en grande partie pour des travaux de bâtisse, 80 millions à la Banque de France ; il a réduit des trois quarts son compte courant créditeur dans cet établissement. Cependant les déficits et les dépenses extraordinaires rendent nécessaires des ressources de plus en plus fortes : ces ressources, assure-t-on, ne manquent pas. Le gouvernement est autorisé à émettre pour 400 millions de bons du trésor, et il n’a guère profité jusqu’ici de cette faculté que pour la moitié de cette somme. Les caisses d’épargne, avec leurs dépôts toujours grossissans, lui font en compte courant des versemens de plus en plus considérables. Cela est vrai, mais ces engagemens flottans seraient singulièrement dangereux si une crise survenait. C’est l’abondance même de ces ressources faciles et précaires qui a entretenu la prodigalité de l’état. La dette flottante doit être ramenée à des chiffres plus raisonnables, et le ministre des finances, s’il a quelque souci de l’avenir, quel que soit le règlement adopté pour le prochain budget extraordinaire, ne saurait laisser s’écouler une année sans émettre un emprunt d’au moins un milliard pour dégager une situation beaucoup trop embarrassée.


III

On s’est plu jusqu’ici à considérer le budget extraordinaire, et particulièrement les dépenses pour, la construction de chemins de fer, comme la cause de tous nos maux. On a tiré de cette idée la conclusion qu’une fois un accord intervenu entre les compagnies et l’état, toutes les difficultés financières seraient aplanies, que l’ordre, les plus-values, les excédens budgétaires renaîtraient aussitôt. Dans cette conception se rencontre à côté de la vérité l’erreur. Certes l’exagération et la mauvaise direction des travaux de chemins de fer sont une des principales causes des embarras où nous sommes tombés. Il y a cependant d’autres causes aussi actives. Si l’on ne supprimait que les premières, le déficit subsisterait, quoique moindre. Le mal n’est pas localisé ; il est général. Les travaux publics mal conçus sont une de nos plaies, non la seule. Il importe de le dire, car le public, après la signature des conventions