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abondant : l’état prend 6 ou 700 millions pour ses travaux extraordinaires et ses subventions de toute nature ; les départemens ou les villes, 2 ou 300 millions pour le même objet ; les compagnies de chemins de fer autant pour les nouvelles voies, agrandissement de gares et achat de matériel ; le Crédit foncier, 5 à 600 millions pour des prêts hypothécaires ou communaux ; voilà déjà plus de 1 milliard 1/2 ; les entreprises industrielles diverses, aussi bien les saines que les pourries, les placemens à l’étranger et les emplois personnels prennent facilement le reste. Quoique la richesse publique augmente ainsi continuellement par cette épargne, il est peu vraisemblable qu’il y ait là une source notable de plus-value d’impôts pendant les prochaines années. Ce qui agit principalement sur l’impôt, c’est moins, en effet, la richesse générale elle-même que le taux d’évaluation de cette richesse. La plupart des capitaux sont engagés et disparaissent dans les choses qu’ils ont créées ; ils n’ont plus une valeur fixe en numéraire, ils n’ont qu’une valeur variable qui change à chaque instant, dans des proportions considérables, suivant certaines circonstances extérieures et multiples. L’imagination même joue un rôle important dans la fixation de ce taux d’évaluation des divers élémens de la richesse publique. Nous venons de sortir d’une de ces périodes ardentes, pleines d’enthousiasme, auxquelles on peut donner le nom, dérobé aux Anglais ou aux Américains, de « période d’inflation. » Pendant trois ou quatre ans, tous les capitaux incorporés dans des choses matérielles et immatérielles avaient pris une valeur énorme, qui avait pour principale cause l’imagination surexcitée des capitalistes. Les maisons, les terrains, les actions de chemins de fer, de sociétés industrielles, de banques, les promesses les plus fragiles des entreprises naissantes se payaient à des cours que nos pères eussent trouvés insensés et que, revenus à plus de sobriété de jugement, nous avouons nous-mêmes déraisonnables. Le fisc, qui, sous la forme des droits d’enregistrement et de timbre, est toujours aux aguets et qui tient en quelque sorte son escopette braquée sur tout capital qui passe ou se remue, forçant celui-ci, comme rançon, à une contribution proportionnelle de 1 pour 100, de 5 pour 100, de 10 pour 100 suivant les cas, encaissait des sommes d’autant plus fortes que tous les capitaux étaient surévalués par la fantaisie publique. A la période d’inflation succède une période de dépression : terres, maisons, terrains, actions et obligations de toute sorte fléchissent, la dîme que lève le fisc sur toutes ces valeurs ne peut que fléchir avec elles. Aussi les droits d’enregistrement et de timbre faiblissent. En 1882, l’enregistrement a donné 15 millions de moins qu’en 1881 et le timbre n’a fourni que 265,000 francs de plus. Pendant le premier trimestre de 1883, l’enregistrement a produit 7 millions 1/2 de moins que dans le