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vente moins favorables. Cette situation laisse une trace dans les recettes du trésor. Les contributions directes rentrent plus difficilement qu’autrefois, Il suffit pour s’en rendre compte, de comparer le tableau du recouvrement des impôts pendant le premier trimestre de l’année courante et des quatre années précédentes. Au 31 mars 1879, il était dû par les contribuables au trésor sur les douzièmes échus 10,152,000 francs ; au 31 mars 1880, 10,713,000 ; au 31 mars 1881, l’arriéré avait fléchi, il n’était plus que de 9,080,000 ; mais, depuis lors, il se relève considérablement : il est de 12,318,000 francs au 1er mars 1882 et monte à 15,133,000 francs au 1er mars 1883. Le retard dans le paiement des contributions directes est moitié plus considérable en 1883 qu’en 1879. Si, au lieu des sommes, on recherche les proportions, on arrive aux résultats suivans, qui ne sont pas moins démonstratifs. Au 31 mars 1879, les contribuables étaient en retard, sur les douzièmes échus, de 18 centièmes de douzièmes ; au 31 mars 1882, le retard portait sur 21 centièmes de douzièmes ; il atteint 25 centièmes de douzièmes en 1883. Les frais de poursuite se sont aussi accrus : de 1 fr. 06 par 1,000 francs de recouvremens dans le premier trimestre de 1882, ils ont monté à 1 fr. 24 dans le trimestre correspondant de 1883. Il ne faut sans doute pas exagérer l’importance de ces faits regrettables : en définitive, les contribuables français s’acquittent encore très ponctuellement de leur dette envers l’état et l’on aurait peine à trouver dans le reste du monde des débiteurs aussi, exacts. Néanmoins, l’augmentation de l’arriéré et des frais de poursuite prouvent qu’un grand nombre des imposés sont à bout de forces. Et comment ne le seraient-ils pas quand aux fléaux naturels dont ils subissent les coups vient se joindre depuis quelques années un accroissement presque constant des charges fiscales ? Les contributions ordinaires et extraordinaires locales s’accumulent, pour les luxueuses constructions d’écoles notamment, qui sont l’une des plus grandes folies de ce temps. L’état a beau dire qu’il n’a pas accru l’impôt foncier depuis le commencement du siècle, qu’il l’a même diminué jusqu’en 1852, il s’arrange, avec ses débauches de constructions, de manière que le nombre des centimes additionnels monte chaque année ; et le personnel nouveau, improvisé, qui a envahi presque partout les conseils municipaux et les conseils-généraux, subissant docilement les incitations du gouvernement, développe les budgets locaux à l’instar du budget de l’état. La France est pleine d’un bout à l’autre de grenouilles qui s’enflent pour jouer de l’importance et faire les personnages.

Ce n’est pas toutefois la langueur de l’agriculture qui peut influer le plus sur le produit des impôts ; elle peut avoir quelque effet sur la facilité du recouvrement des taxes directes, mais elle n’exerce