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Laborieuse, pleine de difficultés et d’efforts, où le gouvernement est aux mains d’hommes prudens, circonspects, qui mettent leur honneur à établir courageusement des impôts productifs et à restreindre l’accroissement des dépenses. Ce sont ces hommes qui ont restauré le crédit de la France et qui, malgré le poids terrible de la dette nouvelle constituée par la guerre, nous ont rendu et laissé des finances excellentes. La seconde période part de 1876 ou 1877, pour expirer en 1881 ; ce qui la caractérise, c’est qu’elle recueille les fruits des sacrifices de la précédente ; à la gêne succède alors une large aisance, qui bientôt se transforme en une prospérité que l’imagination grandit, et dont toutes les têtes finissent par être éblouies et grisées. Quels que soient alors les ministres qui se succèdent trop rapidement au pouvoir, l’influence réelle, l’engagement et le vote des dépenses, la disposition de l’impôt sont aux mains de la majorité ardente et inexpérimentée du parlement. Celle-ci n’a ni règle, ni mesure, ni connaissance des choses, ni conception des vrais besoins et des devoirs stricts de l’état. Elle a rêvé je ne sais quelle politique d’ostentation qui doit répandre sur le pays des bienfaits de toute sorte ; elle est d’une générosité naïve, d’une prodigalité systématique ; elle a toutes les ambitions et tous les caprices : il lui faut une armée et des forteresses supérieures à celles de l’Allemagne, une marine et des colonies égales à celles de l’Angleterre, des écoles plus belles que celles de la Suisse, des constructions gigantesques de chemins de fer comme aux États-Unis ; il lui faut encore ce que ne connaissent pas ces pays, la satisfaction des appétits d’une clientèle électorale nombreuse, affamée et insatiable, et, pour y arriver, la mise à la retraite de tous les anciens fonctionnaires de l’état, ce. qui désorganise les services et accroît sans cesse le poids des pensions civiles, la création de places nouvelles, l’augmentation de tous les petits et moyens traitemens. En face de toutes ces causes de dépenses, qui ne se sont jamais rencontrées toutes à la fois chez aucun peuple, la majorité ignorante et insouciante de nos parlemens ne veut placer aucune augmentation de recettes : l’Angleterre, les États-Unis, la Belgique, la Suisse, tous les pays enfin, quand leur crédit public s’est relevé après une crise, en profitent pour convertir sans délai leurs anciennes dettes ; en France, on attend six ou sept ans pour s’occuper d’une conversion que les circonstances ont longtemps rendue facile, et quand enfin on s’y résout, c’est sous la pression irrésistible du déficit ; Dans tous les pays que nous venons de nommer, si l’état s’occupe des caisses d’épargne ou d’institutions philanthropiques, comme les caisses de retraite, c’est en accordant seulement à ces établissemens sa garantie et en ne leur servant qu’un intérêt