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a la cuisse traversée. Lescot, lieutenant des gardes du duc, est tué[1] ; les enfans perdus qu’il conduisait se dispersent ; la colonne s’arrête et le logement ne peut être poussé qu’à la moitié de la montée. — À l’attaque du marquis de Gesvres, le feu est mis aux deux mines creusées sous le bastion ; tout était préparé pour que l’inflammation fût simultanée. Au premier bruit, Gesvres part ; mais, la seconde explosion étant de plusieurs minutes en retard sur la première, assiégés et assaillans sont ensevelis sous les décombres ; les Français ne peuvent atteindre le sommet de la brèche ; Gesvres avait disparu. L’issue de ces deux attaques répandit dans l’armée une grande tristesse, qui rapidement gagna Paris. Était-ce un échec définitif ? Quelques-uns le croyaient, peut-être même, hélas ! l’espéraient. On tenait Gassion pour mort ; au siège, il pourrait être remplacé ; mais si l’armée extérieure paraissait et s’il arrivait malheur à M. le Duc, jouant sa vie comme il faisait, qui mènerait la cavalerie ? La perte de Gesvres fut vivement ressentie ; il était de taille à mener une armée ; impérieux, peu aimé de ses camarades, en assez mauvais termes avec son général en chef, mais avide de gloire, sachant commander, résolu à mériter le bâton de maréchal. « Vous entendrez parler de moi malgré vous, écrivait-il à la princesse Marie en arrivant devant Thionville, et quelle que soit votre indifférence, je saurai faire une action que vous serez forcée d’approuver. » Il n’obtint que les regrets de celle qu’il aimait, et ce fut son parent, l’évêque de Beauvais, qui en recueillit le témoignage.

Le duc d’Anguien jugea qu’avant de tenter de nouveaux assauts, il fallait laisser reprendre haleine aux troupes et compléter les brèches. Tandis que le mineur était attaché à la courtine, de nouvelles galeries étaient percées sous les bastions ; mais le sol était déjà tellement bouleversé que, malgré les efforts de La Pomme, capitaine de mineurs « et le premier homme de son temps dans cet art, » ces tentatives auraient été insuffisantes sans la construction d’une nouvelle batterie. Au bout de quatre jours, la ruine des deux bastions était achevée, et la courtine qui les unissait, battue par les boulets, soulevée par la poudre, n’était plus qu’une masse de décombres ; l’accès était ouvert à trois colonnes d’attaque. Le 7, un trompette français sonna l’appel ; le feu fut suspendu ; deux officiers sortirent de la place et vinrent conférer avec le maréchal de camp de tranchée, Pal lu au, assisté de Tourville, premier gentilhomme du général en chef. Le 8, les articles de la capitulation furent signés par Louis de Bourbon et le sergent-major Dorio, celui-là même qui, le

  1. Il arrivait de Paris avec les dépêches.