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feraient que rendre plus sensible et plus pénible son isolement. — n’est pas non plus notre situation financière qui pourrait inspirer quelque fierté ; elle est devenue singulièrement laborieuse. On a si bien fait que toutes les ressources de la France sont engagées, que le déficit est rentré dans nos budgets, et qu’on en est pour le moment réduit à des expédiens qui ne sont eux-mêmes que des palliatifs. — Les affaires du travail et de l’industrie ne sont pas dans un meilleur état. Les grandes entreprises sont paralysées. Les luttes du capital et du salaire sont partout latentes ; les grèves se multiplient, et ? tout récemment encore, il y avait à Marseille une de ces suspensions de travail qui, si elles se renouvelaient, seraient bientôt une ruine, menaceraient dans sa puissance, dans sa prospérité l’opulente métropole méditerranéenne au profit de ses rivales, Gênes et Barcelone. — Ce n’est point enfin l’état moral du pays qui peut sembler plus rassurant que tout le reste. La paix morale et religieuse, qui était à peu près complète il y a quelques années en dépit des luttes naturelles et inévitables des partis, cette paix précieuse, elle est maintenant remplacée par les scissions intestines, par la guerre plus ou moins déguisée aux croyances » par le trouble porté dans le foyer des familles, dans les moindres hameaux, sous prétexte d’une loi d’enseignement interprétée et appliquée par les passions de secte.

De quelque côté qu’on se tourne, en un mot, ce ne sont que des crises ou des commencemens de crises, qui ne vont pas, si l’on veut, jusqu’à agiter matériellement le pays, qui laissent néanmoins l’inquiétude chez les uns, l’irritation chez les autres, le doute, la fatigue partout, et s’il en est ainsi, en dépit de tous les optimismes intéressés, à qui la faute ? il n’y a qu’une cause évidente, palpable « c’est la politique qui a régné depuis quelques années, qui a cru pouvoir abuser de tout sans se douter de ce qu’elle faisait, qui dans son infatuation a compromis les affaires diplomatiques et morales aussi bien que les affaires financières et économiques de la France. La politique prétendue républicaine, la politique étroite, âpre, et imprévoyante de parti a produit par degrés ses résultats, ses fruits naturels. Et voilà, en définitive, la vérité telle qu’elle apparaît une fois de plus à ce moment, où les chambres françaises, à peine rentrées en session, ont reçu pour leur bienvenue cette proposition de conversion de la rente, qui a été livrée aux débats parlementaires, qui n’est au bout du compte que la rançon de toutes les fautes commises, le signe expressif d’une situation financière devenue difficile.

Depuis que les chambres sont revenues effectivement, c’est à peu près tout ce qu’elles ont eu à faire, tout ce qu’elles ont fait. Le gouvernement, après bien des tergiversations ou des apparences de tergiversations, s’est décidé à proposer de réduire de 5 à 4 1/2 l’intérêt d’un capital de 7 milliards qui représente la masse des emprunts