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leurs croyances, sont susceptibles de leur donner le plus de plaisir possible. » J’ai même vu que l’on trouvait le paradoxe fort joli ! Moi aussi, si j’y comprenais quelque chose. Que dirons-nous encore de cette analyse que M. Biré nous donne du drame, après la Préface, et où il s’épuise à montrer Victor Hugo « pillant » Corneille, Shakspeare, Molière, Regnard, Beaumarchais et Népomucène Lemercier ? Eh quoi ! parce que Corneille nous aura montré Auguste délibérant avec Maxime et Cinna s’il doit abdiquer ou garder l’empire, il sera interdit de nous montrer Cromwell délibérant avec ses conseillers s’il demeurera protecteur ou s’il se fera roi ? ou encore, parce que, pour peindre le tumulte et l’agitation confuse d’une foule, Lemercier se sera servi de mots l’un l’autre entrecoupés :


Rangez-vous ! Place ! place ! — Holà ! ciel ! — Je rends l’âme,


ce sera l’imiter que de dire :


Ah ! le voilà ! — C’est luit — Voyons ! — Lui-même. — Ah ! ah !


Il y a là quelques pages que, dans l’intérêt même de son livre, — et ce ne sont pas les seules, — M. Biré gagnera tout à faire disparaître.

Je l’aime mieux quand il nous parle des relations de Sainte-Beuve et de Victor Hugo. C’est un paragraphe très intéressant que celui où il détermine en quelque façon l’apport de Joseph Delorme à la révolution romantique. Indépendamment de l’ardeur avec laquelle Sainte-Beuve emboucha la trompette pour crier aux quatre points cardinaux la gloire naissante du romantisme, M. Biré croit pouvoir lui attribuer quelque chose de plus, et quelque chose de considérable, quelque chose d’essentiel, puisque ce n’est rien de moins que la réforme de la prosodie. En effet, c’était alors le temps, en 1828, où Sainte-Beuve publiait son Tableau de la poésie française au XVIe siècle. « Il est remarquable, nous dit M. Biré, que Victor Hugo n’essaya des formes poétiques nouvelles, ne substitua au vers régulier la césure mobile et le libre enjambement qu’à partir de 1827. La Chasse du burgrave, le Pas d’armes du roi Jean, sont de 1828. N’est-il pas permis de conjecturer que les pièces où l’auteur se crée à plaisir des difficultés dont il triomphe avec une étonnante souplesse ont été écrites après une conversation où le critique lui avait montré, chez les poètes dont il faisait son étude journalière, de semblables jeux de rime ? » Pourquoi seulement M. Biré n’a-t-il pas approfondi la conjecture jusqu’à la transformer en une certitude ? Il eût à tout le moins rencontré sur la route une question des plus importantes : c’est de savoir si, comme l’a soutenu, dans son remarquable Traité de versification française, M. Becq de Fouquières, dès que l’on faisait, — comme Victor Hugo, — de la richesse de la rime le principe constitutif, dominateur et