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rhétoricien devait payer à la mode poétique. Aujourd’hui, c’est par des polissonneries naturalistes que l’on commence. Rien ne subsiste d’Irtamène que le dernier vers :


Quand on hait les tyrans, on doit aimer les rois,


et rien non plus d’Athèlie, qui la suivit. C’est pourquoi l’on saura grand gré à M. Biré d’avoir exhumé du vieux journal où elles étaient enfouies quelques traductions de Virgile, en vers naturellement, — le Vieillard du Galèse, Achéménide, Cacus, les Cyclopes, — et surtout de nous avoir fait connaître quelques fragmens inédits du Discours sur les avantages de l’étude, celui-là même qui concourut en 1817 pour le prix de poésie. Victor Hugo concourut encore en 1819, et même envoya deux pièces, y ayant cette année-là, par extraordinaire, deux concours, l’un sur l’Institution du jury et l’autre sur les Avantages de l’enseignement mutuel. Étranges matières à mettre en vers français ! Évidemment, sur de tels choix, Delille, ce Delille aujourd’hui si profondément oublié, si rarement lu, pesait encore de tout le poids de sa très grande popularité. En même temps qu’il adressait ces Discours en vers à l’Académie française, le jeune poète adressait ses premières odes, — les Derniers Bardes, les Vierges de Verdun, le Rétablissement de la statue d’Henri IV, — à l’Académie des Jeux floraux, qui les couronnait. En classant toutes ces pièces, en précisant l’origine, et, si l’on peut s’exprimer aussi prosaïquement, la destination de chacune d’elles ; en nous en faisant connaître presque pour la première fois un certain nombre, — une satire sur le Télégraphe, notamment, et une autre intitulée l’Enrôleur politique, — lesquelles, on ne sait pourquoi, ne paraissent pas de voir prendre place dans l’édition définitive des Œuvres complètes ; en nous mettant à même de suivre ainsi pas à pas le progrès du poète vers la prise de possession de sa pleine originalité, c’est un grand service que M. Biré a rendu à l’histoire littéraire. De 1816 à 1822, c’est-à-dire jusqu’à la publication du premier recueil des Odes et Poésies diverses, nous avons maintenant, année par année, de quoi remplir ce que Fon regrettait de trouver de lacunes dans la biographie toute complaisante que Sainte-Beuve avait écrite en 1831.

On remarquera sur toutes ces pièces que, bien loin d’y afficher alors la moindre prétention révolutionnaire, c’est au contraire ce qu’il y a d’extrêmement intéressant chez ce poète de dix-huit ans que la facilité, l’aisance, la souplesse avec laquelle il se plie tour à tour aux exigences classiques des genres les plus différens. C’est essentiellement déjà le don de la facture, l’aptitude en quelque sorte universelle à écrire en vers, la faculté de changer de forme, pour ainsi dire, en même temps