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de Vigny, il faisait rejaillir sur ce nom quelque chose de l’éclat du nom même de Milton. »


D’un fort beau caractère on voit là le modèle,
Et nous savons assez comment cela s’appelle.


Aucun de ces détails n’est inutile, quand il s’agit d’un poète qui, — grâce à la faveur des circonstances autant qu’à son propre génie, — occupera, dans l’histoire littéraire de son temps, la place de Victor Hugo. Les uns sont en effet des traits que les biographes du poète retiendront, et les autres, en même temps que la biographie du poète, intéressent aussi celle de la plupart de ses contemporains. Ceci dit, je ne puis m’empêcher de trouver qu’en plus d’une occasion M. Biré a poussé trop avant sa recherche. A quoi bon, par exemple, se donner un mal infini pour prouver que les premiers rapports de Lamennais et de Victor Hugo ne datent pas du temps précis où les a placés le poète ? puisque, tout compte fait, M. Biré ne prouve rien contre l’origine que Victor Hugo leur assigne. A quoi bon encore établir parle menu que le drame d’Amy Robsiart, joué sur la scène de l’Odéon le 13 février 1828, est bien et dûment de Victor Hugo et non pas, comme on le crut un temps, de son beau-frère, Paul Foucher ? puisqu’aussi bien voilà vingt ans que Victor Hugo lui-même en est publiquement convenu. Mais à quoi bon dessiner, en marge de son vrai sujet, toute une courte biographie de Soumet, pour en arriver à conclure que le noble, pur, et pieux auteur de Clytemnestre et de Cléopâtre était absolument incapable de mener un jeune poète souper chez Mlle Duchesnois ? J’en connaisse plus purs, et de plus pieux, qui ont fait pis. On sent trop le parti-pris là-dessous, et que le siège est fait d’avance. Aussi, quel que soit l’intérêt de ces détails, leur importance même, à de certains égards, et quoique je ne doute pas qu’ils contribuent pour beaucoup au succès du livre de M. Biré, c’est autre chose que j’y apprécie surtout, à savoir, ce que j’y rencontre de renseignemens, non sur l’homme, mais sur le poète, et non pas tant sur le caractère que sur l’œuvre. Car, il faut bien se rendre compte qu’en dépit. d’une certaine critique les œuvres, et les œuvres seules, subsistent au regard de la postérité ; qu’à distance, non pas même de plusieurs siècles, mais d’une ou deux générations seulement la personne n’importe plus guère ; et que l’admiration publique a déjà consacré bien des poètes et des orateurs en comparaison de qui presque tout ce que l’on relève ici contre Victor Hugo n’est en vérité que fort innocente peccadille.

Les débuts littéraires de Victor Hugo remontent au-delà même de 1817, jusqu’en 1816, c’est-à-dire jusqu’au collège, qu’il n’attendit même pas d’avoir quitté pour composer la tragédie classique, Irtamène, — qui était encore à cette date le tribut de rigueur que tout bon