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d’observer la transformation qui paraît s’opérer chez les disciples de Confucius et d’examiner s’ils sont aptes à jouer en Orient le rôle actif dont nous parlions plus haut. Serions-nous, comme quelques prophètes l’affirment, à la veille du réveil d’un grand peuple, tout près de la résurrection de l’empire de Gengis-Khan, ou, comme l’a dit un penseur, « est-ce l’ombre que les grandes destinées projettent devant elles et dans le jour d’aujourd’hui demain est-il déjà présent ? »

Nous ne sommes, comme j’espère le prouver, qu’en présence de quelques tentatives de revendications surannées qui sont le propre de la ténacité du caractère des Chinois, ténacité qui va toujours de pair avec leur morgue incorrigible. Il faut qu’on le sache : il n’y a qu’une bravade ridicule de leur part dans l’envoi d’une poignée de braves sous les murs d’Hannoï, en vue d’une citadelle sur laquelle flottait le drapeau tricolore ! Il en est de même des conseils de résistance qu’ils donnent secrètement à notre vieil ennemi le roi Tu-Duc. Le changement d’attitude des Chinois vis-à-vis des Européens date du jour peu éloigné où la question de la rétrocession du territoire du Kouldja s’est réglée d’une manière pacifique entre eux et les Russes. Quoique ce soit en échange d’une très forte somme d’argent que la Russie ait consenti à rétrocéder ce territoire, le Fils du Ciel n’en a pas moins considéré cette acquisition coûteuse comme un brillant triomphe remporté sur l’un des plus grands royaumes d’Occident[1]. C’est depuis lors que ses ministres se sont interposés en qualité de médiateurs entre Japonais et Coréens, qu’ils ont dirigé contre nous un semblant d’armée au Tonkin, réclamé de nouveau au Japon les lies Liou-Chou et fait la ridicule sommation aux souverains, leurs anciens tributaires, d’avoir à renouveler les preuves de leur vasselage.

Ayant signalé les petits états qui se reconnaissent toujours les tributaires de l’empereur de Chine et ceux qui, comme les royaumes de Siam et du Cambodge, repoussent hautement sa suzeraineté, nous montrerons qu’une guerre avec le Céleste-Empire, — il en a été question ! — est chose tout à fait improbable et, fût-elle inévitable, qu’il n’y a pas lieu de supposer que les armées chinoises soient capables de se mesurer avec les nôtres.


I

Indépendamment des dix-huit provinces qui composent le vaste ensemble de l’empire du Milieu, il est divers royaumes, plus ou

  1. Voyez Chinois et Russes au Kouldja, dans la Revue du 14 avril 1881.