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et Persan[1] pour l’infanterie, le commandant de l’artillerie La Barre. — Gassion, vient d’arriver avec ses escadrons ; il descend de cheval, entre au conseil. et rend compte de ce que le lecteur a déjà, en partie deviné. Depuis trois jours, il n’a pas quitté la. selle, ni la piste des ennemis. D’abord, il a évité de les serrer de trop près pour ne pas leur donner l’éveil. Quand il les a vus établis devant Rocroy, il s’est approché, les a trouvés non retranchés, sans défiance et se gardant à peine. Dans la dernière nuit (16 au 17), il a pu pousser jusqu’aux glacis et jeter sur le chemin couvert, cent vingt fusiliers commandés par Saint-Martin, premier capitaine du régiment. En même temps, il a tâté les quartiers des ennemis, ramené quelques-uns de leurs postes, et le Gascon reparaît dans cette assertion un peu risquée : « Sans un petit marais j’aurais défait une bonne partie de leur infanterie[2]. » L’alerte donnée, il a fait rapidement, reculer sa troupe, l’a mise à l’abri ; lui-même, caché dans les bouquets De bois, il a attendu le jour pour bien lire le terrain et compléter sa reconnaissance. Il estime la force des ennemis à moins de trente mille hommes, décrit le site, l’accès difficile du plateau, les défilés, les bois et les marais, les avantages que la configuration du sol assure à l’assiégeant pour arrêter une armée de secours, l’emplacement des camps espagnols, la forme, l’étendue et les abords des positions qu’on peut se disputer en cas de bataille livrée près de la place. Quant à la place elle-même, elle serait peut-être prise sans le secours qu’elle a reçu ; si. elle, n’est promptement délivrée, elle sera rendue ou enlevée d’assaut avant trente-six heures., Et Gassion termine son rapport sans autre conclusion.

Après quelques mots de félicitation adressés au mestre de camp général de la cavalerie, le duc d’Anguien annonce à ses lieutenans la mort du roi, qui n’est encore connue que par une vague rumeur. Il expose brièvement la gravité des circonstances, le péril de l’état : toutes les forces disponibles sont réunies ; celles des Espagnols peuvent augmenter ; tout délai serait funeste, on ne peut, à l’aurore d’un règne, laisser l’ennemi pénétrer au cœur du royaume sans faire un effort pour l’arrêter.

  1. Persan (François de Vaudetar, marquis de), fils d’Honoré, banon de Persan, que nous avons vu chargé de garder le prince Henri II, à Vincennes et ce Louise de L’Hôpital, sœur des maréchaux de Vitry et de L’Hôpital. Il avait servi sous le prince de Condé en Languedoc ; son régiment, levé en 1640, s’était bien conduit à La Marfée et à Honnecourt. Il fit sous le duc d’Anguien les campagnes des années suivantes, d’abord comme mestre de camp, puis de 1647 à 1648 comme maréchal de camp. Pendant les troubles, il suivit le parti de M. le Prince, rentra en France à la paix des Pyrénées, et quitta le service.
  2. M. le Duc à M. le Prince, Rumigny, 17 mai.