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son toit et toutes les choses indispensables à la vie, qu’il travaille sans excès, anxiété ni contrainte, « qu’il vive indépendant, qu’il se respecte, qu’il ait une femme propre, des enfans sains et robustes[1]. » La communauté doit lui garantir l’aisance, la sécurité, la certitude de ne pas jeûner, s’il devient infirme, et de ne pas laisser, s’il meurt, sa famille à l’abandon. — « Ce n’est pas assez, dit Barère[2], de saigner le commerce riche, de démolir les grandes fortunes, il faut encore faire disparaître du sol de la république... L’esclavage de la misère. » Plus de mendians, « plus d’aumônes, plus d’hôpitaux. » — « Les malheureux, dit Saint-Just[3], sont les puissances de la terre, ils ont le droit de parler en maîtres aux gouvernemens qui les négligent; » ils ont droit à la bienfaisance nationale[4]... Dans une démocratie qui s’organise, tout doit tendre à élever chaque citoyen au-dessus du premier besoin, par le travail, s’il est valide ; par l’éducation, s’il est enfant; par les secours, s’il est invalide ou dans la vieillesse. » Et jamais moment ne fut si propice. « Riche de domaines, la république calcule, pour l’amélioration du sort des citoyens peu fortunés, les milliards que les riches comptaient pour la contre-révolution... Ceux qui ont voulu assassiner la liberté l’ont enrichie. » — « Les biens des conspirateurs sont là pour les malheureux[5]. » — Que le pauvre prenne en toute sécurité de conscience : ce n’est pas une aumône, mais « une indemnité » que nous lui apportons; nous ménageons sa fierté en pourvoyant à son bien-être et nous le soulageons sans l’humilier. « Nous laissons les travaux de charité aux monarchies ; cette manière insolente et vile d’administrer les secours ne convient qu’à des esclaves et à des maîtres ; nous y substituons la manière grande et large des travaux nationaux ouverts sur tout le territoire de la république[6]. » Nous faisons dresser dans chaque commune

  1. Buchez et Roux, XXXV, 296. (Institutions par Saint-Just.)
  2. Moniteur, XX, 444. (Rapport de Barère, 22 floréal an II.) « La mendicité est incompatible avec le gouvernement populaire. »
  3. Ibid., XIX, 568. (Rapport de Saint-Just, 8 ventôse an II.)
  4. Ibid., XX, 448. (Rapport de Barère, 22 floréal.)
  5. Ibid., XIX, 568. (Rapport de Saint-Just, 8 ventôse, et décret du 13 ventôse.) « Le comité du salut public fera un rapport sur les moyens d’indemniser tous les malheureux avec les biens des ennemis de la révolution. »
  6. Ibid., XIX, 484. (Rapport de Barère, 21 ventôse an II.) — Ibid., XX, 445. (Rapport de Barère, 22 floréal an II.) — Décrets sur es secours publics, 28 juin 1793, 25 juillet 1793, 2 frimaire et 22 floréal an II. — Au reste, le principe était proclamé dans la constitution de 1793. « Les secours publics sont une dette sacrée; la société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur présentant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler. » — Archives nationales, AFII, 37, le caractère de cette mesure est exprimé très nettement dans la circulaire suivante du Comité du Salut public aux représentans en mission dans les départemens; ventôse an II. « Un grand coup était nécessaire pour terrasser l’aristocratie. La Convention nationale a frappé. L’indigence vertueuse devait rentrer dans la propriété que les crimes avaient usurpée sur elle. La Convention nationale a proclamé ses droits. Un état général de tous les détenus doit être envoyé au comité de sûreté générale chargé de prononcer sur leur sort. Le Comité de Salut public recevra le tableau des indigens de chaque commune pour régler l’indemnité qui leur est due. Ces deux opérations demandent la plus grande célérité et doivent marcher de front. Il faut que la terreur et la justice portent sur tous les points à la fois. La révolution est l’ouvrage du peuple, il est temps qu’il en jouisse. »