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sèche également guipurée ? » et n’est-on pas quasi tenté de croire « que véritablement les paysannes d’opéra comique ont eu des modèles dans la réalité ? » Ce serait peut-être beaucoup dire. Il importe au moins de remarquer que, comme on l’a vu par l’inventaire du coffre à linge d’une simple journalière, les dessous répondent au dehors, ce qui est le vrai signe de l’aisance, et que, d’autre part, cette progression du luxe est constante pendant toute la durée du XVIIIe siècle. Et s’il y a quelque chose de barbare à porter souvent ainsi, « n’ayant pas dans ses greniers une provision de blé pour un mois, » toute sa fortune sur son corps, — et c’est le cas d’un grand nombre de ces fermières ou manouvrières si bien vêtues, — il ne reste pas moins vrai que le goût du luxe jusque dans les dernières classes d’une société prouve qu’elles ont le temps d’y songer, le loisir d’en user, ne fût-ce qu’aux jours de fêtes, et quelques moyens d’y satisfaire.

L’ombre au tableau, c’est celle, si l’on peut s’exprimer ainsi, que le château projette sur le village. Non pas que, sur ce chapitre même, il ne règne encore dans nos histoires plus d’un étrange préjugé. Beaucoup de ces droits, d’abord, avaient eu leur raison d’être et quelques-uns ne l’avaient pas tout à fait perdue. Telles étaient la plupart des corvées, et notamment celles que l’on appelait corvées de fief, les plus ridicules et quelquefois, à force d’être humiliantes, les plus lourdes de toutes. De par les ordonnances royales, elles n’étaient dues qu’autant qu’elles étaient fondées en titre, et presque dans toutes les provinces, le titre n’était valable qu’autant qu’il avait été consenti par ceux contre lesquels on l’invoquait, et qu’autant qu’il avait une cause légitime, c’est-à-dire qui eût tourné au profit des corvéables. Ainsi, cette fameuse corvée de battre les grenouilles dans le fossé du château, pour assurer la tranquillité du sommeil du seigneur, n’était vraisemblablement, partout où nous la rencontrons, que la redevance consentie parle village pour une concession ancienne de prés ou de bois communaux, ou encore, en un temps plus ancien, pour un affranchissement de servage. Il y en avait d’autres que l’on appelait corvées de justice. C’étaient celles que le seigneur avait droit d’exiger en sa qualité de détenteur d’une part de la puissance publique. Pareillement, tous ces droits féodaux, que l’on énumère avec tant de complaisance, et sans s’apercevoir souvent que l’on en déguise un seul sous cinq ou six noms qui diffèrent selon les provinces, se réduisaient à deux catégories, droits de justice et droits fonciers, dont l’origine, et par conséquent la justification, est identique à celle des corvées.

Mais c’est ici le cas de dire que ce qui les justifiait en droit était précisément ce qui les condamnait en équité. Le paysan payait pour un service qu’on ne lui rendait plus. Il aurait même pu prétendre