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minorité, les délégués votèrent, peut-être par esprit de transaction, un préambule invoquant « l’obligation qui incombe à tous les disciples du Seigneur Jésus-Christ de prouver leur foi en vouant leur vie et leurs ressources au service de Dieu et à l’établissement du royaume de son Fils. » Cette phrase porta ombrage aux radicaux, qui y virent une déclaration d’allégeance au Christ, et, dans la session suivante, qui s’ouvrit à Syracuse le 10 octobre 1866, un de leurs représentant les plus distingués, M. Francis Ellingwood Abbot, proposa de substituer à ce préambule une déclaration portant que « l’objet du christianisme est la diffusion universelle de l’amour, de la droiture et de la vérité, » que « une complète liberté de penser est le droit et le devoir de tout homme, » enfin que l’organisation religieuse « doit être plutôt fondée sur l’unité d’esprit que sur la conformité de croyance. » En même temps, M. Abbot proposait de remplacer par les mots d’églises indépendantes ceux d’églises chrétiennes qui figuraient dans le titre de la conférence.

Peut-être que, l’année précédente, les propositions de M. Abbot auraient eu quelque chance d’être adoptées, car elles ne faisaient, en somme, que maintenir dans l’unitarisme un statu quo consacré par l’expérience d’un demi-siècle. Mais, après que la conférence avait arboré officiellement son drapeau, ce changement de nom et de programme n’eût pas manqué d’être représenté comme une répudiation du Christ et de toutes les traditions chrétiennes. La seule concession qu’elle se montra prête à accorder fut d’ajouter à son titre (conférence nationale des églises unitaires) les mots : et des autres églises chrétiennes. — C’était une avance aux universalistes et à toutes les congrégations libérales que leur développement intérieur avait peu à peu rapprochées des doctrines unitaires. Mais M. Abbot, ayant vu rejeter sa proposition, se retira de l’unitarisme, et, l’année suivante, il constituait à Boston, avec plusieurs de ses collègues libéraux, qui cependant ne crurent pas nécessaire de le suivre dans sa démission, la Free religious Association, qui avait pour but de réaliser, en dehors de toute communauté chrétienne, le programme repoussé par la conférence de Syracuse.

Il est certain que les unitaires manquaient de logique, alors que, d’un côté, ils proclamaient la souveraineté absolue de la raison et que, de l’autre, ils prétendaient s’identifier avec la croyance dans la supériorité religieuse et morale du christianisme. Il y avait donc place, pour une organisation plus large qui acceptât, jusque dans ses dernières conséquences, le principe du libre examen et qui restât ouverte non-seulement à « tous les disciples du Christ, » mais encore à « tous les disciples de la vérité, » — chrétiens, juifs, bouddhistes, mahométans, positivistes même, — pourvu qu’ils eussent en commun l’amour du vrai et le désir du bien. Les