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Prescott publiait son Histoire de la conquête espagnole au Mexique ; Hawthorne mettait dans le roman sa puissance d’analyse psychologique ; H.-W. Longfellow atteignait l’apogée de sa gloire. Enfin, le Massachusetts trouvait, pour l’envoyer au sénat de l’Union, Daniel Webster, le plus puissant orateur qu’aient produit les États-Unis. Nous ne citons guère que les noms dont l’écho est parvenu en Europe. Mais, à côté de ces illustrations, toute une armée d’écrivains, de conférenciers, d’orateurs apportaient leur contingent, soit aux publications littéraires et philosophiques qui se multipliaient à Boston, soit aux diverses associations qui s’y développaient pour la propagation de la tempérance, pour l’émancipation de la femme, pour l’extension de l’enseignement populaire, pour la suppression de la guerre, pour la réforme des prisons et surtout l’abolition de l’esclavage.

Dans ces nombreuses « agitations » il n’est pas difficile de constater l’influence du transcendantalisme, non-seulement parce que les adeptes de cette philosophie s’y trouvaient au premier rang, mais encore parce qu’elles étaient la conséquence directe et logique d’une doctrine attribuant à toute créature humaine les mêmes facultés et les mêmes droits. A la même influence se rattachent d’autres tentatives, plus ou moins heureuses, qui visaient à renouveler radicalement les principes de l’organisation sociale. Tantôt c’était George Ripley qui dépensait sa fortune à organiser une communauté libre sur le principe de la coopération ; tantôt c’était W.-A. Alcott, qui, prétendant renoncer aux charges comme aux avantages de la société actuelle, se faisait mettre en prison pour refus de payer ses impôts. Toute cette fièvre de réformes n’était du reste pas confinée au rationalisme. Des réveils, exaltant jusqu’au délire la ferveur des différentes sectes, passaient comme une vague sur toute l’Amérique protestante, et la Nouvelle-Angleterre fournissait sa quote-part aux excentricités du spiritisme, ainsi que du libre amour. Néanmoins, ce qui donne à cette période un caractère fort rare dans les temps de fermentation religieuse et sociale, c’est que le relâchement des mœurs ne coïncida pas avec la surexcitation des intelligences. — Le calvinisme, en perdant son autorité dogmatique, avait laissé dans les esprits sa forte discipline morale. L’unitarisme avait introduit le libre examen en matière de croyances, et le transcendantalisme s’était borné à y joindre l’enthousiasme des grandes choses.


III

Parker mourut en Italie le 10 mai 1859, à la veille de la sécession, qu’il avait peut-être hâtée par l’énergie de sa propagande