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J’ai parlé tout à l’heure des rudes châtimens que Potenza par ses insurrections s’attira au XIIIe siècle de la part de Frédéric II et de celle de Charles d’Anjou. En 1399, le roi Ladislas assiégea et prit cette ville. En 1502, le duc de Nemours et Gonsalve de Cordoue y eurent une conférence pour essayer de régler les points en litige dans la division du royaume de Naples entre Français et Espagnols. Car le traité de partage entre Louis XII et Ferdinand le Catholique avait oublié de définir à qui serait la Basilicate, sur laquelle chacun des copartageans voulait mettre la main. La conférence de Potenza entre les généraux des deux armées d’occupation ne conduisit à aucune entente, et quelques mois après, le litige pour la possession de la Basilicate devenait le point de départ de la guerre entre les deux souverains complices, qui s’étaient entendus pour dépouiller contre tout droit la maison d’Aragon de la couronne napolitaine.

Après avoir été d’abord une ville royale, Potenza devint un fief de la grande famille de Sanseverino. La ville fut ensuite donnée par la reine Jeanne II au condottiere Giacomuzzo Attendolo Sforza, dont elle avait fait son grand-connétable. Mais le fils de celui-ci, Francesco Sforza, celui qui finit par devenir duc de Milan, ayant à la mort de la reine pris parti contre Alphonse d’Aragon, le nouveau roi le dépouilla de son fief, dont il gratifia Inigo de Guevara. Ferdinand le Catholique érigea Potenza en comté pour Antonio de Guevara, grand-sénéchal du royaume de Naples. Un peu plus tard, Porzia de Guevara apportait en mariage le comté de Potenza à Philippe de Lannoy, petit-fils du vainqueur de Pavie. Comme on le voit, les grands noms historiques ne manquent pas dans la série des seigneurs de cette ville ; mais depuis le XVIe siècle elle n’a plus à enregistrer de saillant dans ses annales que les ravages de ses tremblemens de terre. C’est le centre d’une certaine culture littéraire ; on y rencontre des gens instruits. Pourtant il n’y a pas jusqu’à présent de musée, bien qu’on ait organisé là, comme dans tous les chefs-lieux de province, une commission des monumens et antiquités. Un premier noyau de collection épigraphique a été cependant rassemblé au séminaire. Parmi les inscriptions qui s’y conservent on remarque plusieurs dédicaces à la déesse Mephitis, celle qui présidait aux exhalaisons paludéennes. C’était une de ces divinités que l’on honorait pour IFS fléchir et se mettre à l’abri de leurs coups. Il résulte de là que la Potentia romaine, dans la vallée, n’était pas aussi salubre que la Potenza moderne, qui sur sa hauteur ne connaît pas la malaria.


FRANÇOIS LENORMANT.