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était définitivement conquise et si bien incorporée à la monarchie normande, comme à celles qui lui succédèrent, qu’elle ne fait plus parler d’elle dans l’histoire. Son nom n’y reparaît qu’une seule fois encore, sous le règne de Roger, lequel la prit en 1133 sur Tancrède, comte de Conversano, spoliateur de son seigneur légitime. C’est, paraît-il, Robert Guiscard qui avait réuni au diocèse d’Acerenza celui de Matera, lequel avait ses évêques propres au Xe siècle et au commencement du XIe. En 1203, le pape Innocent III en éleva le siège à la dignité d’archevêché, dont il fit dépendre les cinq évêchés de Venosa, Potenza, Anglona et Tursi, Tricarico, Gravina, organisation qui s’est maintenue jusqu’à nos jours.

La cathédrale est le seul monument d’Acerenza ; mais il est intéressant. La construction en a été commencée en 1080 par l’évêque Arnaud, api es qu’il eut découvert les ossemens de saint Canio, déposés dans l’église antérieure qu’avait bâtie en 799 l’évêque Léon. L’incendie accidentel qui consuma la ville en 1090 n’arrêta pas les travaux ; ils étaient achevés avec la fin du siècle. La cathédrale d’Acerenza est un édifice d’une simplicité grandiose et sévère, mais un peu nu, car ni les chapiteaux ni les modillons de l’extérieur ne sont égayés par des sculptures soit de feuillages, soit de figures. C’est en même temps le monument le plus normand, au sens propre du mot, de tout le midi de l’Italie ; on se croirait vraiment une église des environs de Caen ou de Rouen, du temps de Guillaume le Conquérant. Le plan est pareil à celui de l’église inachevée de l’abbaye de la Trinité de Venosa, c’est-à-dire absolument français et « n dehors des habitudes italiennes. Nous y retrouvons également la circulation autour du chœur et les chapelles absidales.

Extérieurement, la cathédrale était fortifiée ; on s’était arrangé pour que, dans un cas de nécessité suprême, elle pût fournir aux défenseurs de la ville un réduit à l’extrémité orientale de l’enceinte. Des créneaux, dont il ne subsiste plus aujourd’hui qu’un petit nombre de vestiges, mais bien reconnaissantes, couronnaient le sommet de ses murs, et des tourelles s’élevaient aux angles saillans des bras du transept. La façade présente un pignon aigu d’une grande élévation, au sommet duquel on a placé le buste de la statue de l’empereur Julien ; deux tours carrées, formant clochers, l’accompagnaient des deux côtés. Elles ont été renversées par des tremblemens de terre, car le pays est fort sujet à ce genre de fléau. L’une, celle dû l’ouest, n’a jamais été rebâtie ; il n’en subsiste que la base. L’autre a été réédifiée dans le style de la renaissance en 1555, par le cardinal Michelangelo Saraceno, archevêque d’Acerenza. La rose de la façade a été refaite à la même époque. Le portail, au contraire, formant porche en saillie et richement sculpté, est toujours celui