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C’était beaucoup d’avoir sous la main, à l’avant-garde, un soldat de cette qualité ; mais il n’était pas temps d’agir, et, quant aux nouvelles, Gassion n’était pas en mesure d’en fournir ; ses cavaliers étaient en quartiers de rafraîchissement et « n’allaient pas à la guerre. » Les gouverneurs des places qui bordaient le territoire ennemi ou qui s’y trouvaient enclavés pouvaient envoyer plus d’informations, et M. le Duc s’était adressé à ces officiers sans attendre les instructions du roi. Pour comprendre le sens et là valeur des renseignemens qui lui furent transmis, le caractère des ordres qu’il reçut et le commencement d’exécution qu’il leur donna, il faut avant tout se rendre compte de la situation des armées belligérantes dans cette région et jeter un coup d’œil sur le théâtre probable des opérations.


II. — THÉÂTRE DE LA GUERRE. — ESPAGNOLS, ARMÉE ET GÉNÉRAUX.

La guerre entre la France et l’Espagne, si souvent déclarée, suspendue, reprise de droit ou de fait, s’était rallumée plus ardente en 1634. Depuis dix ans les hostilités se continuaient sans interruption autour des limites que le droit féodal avait tracées entre le domaine direct des rois de France et les anciennes possessions des ducs de Bourgogne ; limites tout artificielles que ne jalonnait aucun obstacle naturel, qui ne suivaient nulle part le tracé des cours d’eau. De notre côté, un peu en arrière, la Somme avec ses prairies marécageuses et ses tourbières, donne une assez bonne ligne, coupée de chaussées qui, toutes, ont leurs forteresses : Abbeville, Amiens, Corbie, Péronne, Ham, Saint-Quentin. La source de cette rivière est presque contiguë à la vallée de l’Oise ; c’est à peine si une légère ondulation marque le changement de bassin. Coulant du nord-est au sud-ouest, l’Oise offre une voie pénétrante à l’envahisseur qui a franchi la Somme, ou qui s’est emparé des petites places de La Capelle et de Guise, construites à la tête de la vallée. D’autre part, les rivières qui arrosent les Pays-Bas prennent leur source en France : la Lys, l’Escaut, la Sambre, la Meuse ; ce sont aussi des lignes d’invasion ; nous n’étions pas en mesure d’en faire usage.