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d’expérience et de bon conseil, il avait rempli des fonctions importantes[1], et le roi l’honorait de sa confiance ; son fils, l’abbé, donné à son nom une illustration d’un genre particulier. Peu ou point de troupes à Amiens ou aux environs ; bien que « rendez-vous » leur eût été donné à la date du 12 avril, la plupart des régimens étaient dans les places ou dans leurs quartiers d’hiver, que L’Hôpital, assiégé de plaintes et de réclamations, venait d’élargir vers le sud. D’autres, partis de loin, étaient en route. Un des premiers arrivés fut celui de Sirot. Arrêtons-le un moment aux portes d’Amiens pour faire connaissance avec son chef, car ce sera un des principaux acteurs du drame auquel nous allons assister.

Claude de Létouf, baron de Sirot, né en Bourgogne en 1606, après avoir servi deux ans comme soldat, en France, au régiment des gardes, en Hollande, sous Maurice de Nassau, obtint une commission de capitaine dans l’armée de Piémont. Son régiment ayant été licencié, il leva une compagnie de chevau-légers qu’il conduisit en Hongrie, prit part à la guerre de trente ans sous Wallenstein et sous Galas. Dans ses Mémoires, il rappelle avec orgueil qu’il avait échangé des coups de pistolet avec Gustave-Adolphe et raconte sans émotion les tueries et les pillages auxquels il avait assisté : « A Mantoue, nous enfoncions jusqu’aux genoux dans le cristal de roche. » Rentré dans son petit fief et bientôt fatigué de l’inaction, il passa dans l’armée suédoise et se retrouva un beau jour prisonnier de son ancien général, Wallenstein. Ayant payé rançon et rappelé au service de France, il fut promu au commandement d’une compagnie d’ordonnance de cent maîtres et d’un régiment de cavalerie légère armé à la hongroise. C’est en cette qualité qu’il figurait depuis 1635 dans nos armées de Picardie, de Champagne, de Lorraine[2]. Trempé à toute épreuve, doué de la sagacité militaire, il avait beaucoup d’acquis et encore plus de confiance dans son propre mérite ; nous le verrons à l’œuvre. Bien qu’il fût simple colonel[3],

  1. Soit comme négociateur, soit comme intendant d’armée en Allemagne, Luxembourg, Languedoc, etc. — Désigné d’abord pour servir en 1643 sous les ordres directs du roi (décision du 7 avril), il fut par commission du 12 avril attaché à l’armée du duc d’Anguien, qu’il rejoignit dans le courant de mai. Jean de Choisy, conseiller au parlement, maître des requêtes, intendant de Champagne, devint chancelier du duc d’Orléans. Il avait épousé, le 8 février 1628, Jeanne Hurault de L’Hôpital. Sur tous les Choisy, voir les Mémoires de l’abbé de Choisy, Tallemant des Réaux et autres recueils.
  2. Il venait de conduire un détachement à Brisach et son régiment arrivait du Bassigny. Lorsqu’il fut tué en 1652, il était lieutenant-général et en passe de devenir maréchal de France.
  3. Le titre de colonel se donnait alors aux chefs de certains corps, de cavalerie surtout, recrutés à l’étranger ou venant du service étranger, ou organisés sur le pied de troupes étrangères. Le titre de mestre de camp était celui que portaient généralement les chefs de corps.