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Et dans les cheveux blonds parfois apparaissant
Un fin bijou d’or pâle, un petit diadème
(De son pouvoir sans doute allégorique emblème),
Comme un lever de lune à son premier croissant.


II.


Souriante à l’aspect tranquille des eaux fraîches,
Elle était belle à voir, la coureuse des bois,
Laissant tomber son arc et jetant son carquois,
Qui dans l’herbe au hasard éparpilla ses flèches.

Pas un souffle dans l’air. — Par un soir estival,
Les feuilles se taisaient dans la chaleur torride.
Sous les bois, l’étang clair dormait calme et sans ride,
Et la fraise embaumait les profondeurs du val.

La femme voulut prendre un bain, après sa course,
Dans cette eau vierge et bleue où pas un être humain
N’avait trempé l’orteil, ignorant le chemin.
Et dont les fauves seuls avaient flairé la source.

Vite elle déchaussa son petit pied charmant
(Tout en elle était pur, tout en elle était chaste).
Interrogeant des yeux la haute forêt vaste,
La blonde abandonna son dernier vêtement

Et sur un fond vert sombre apparut toute blanche...
Quand elle descendit au bord du grand miroir,
Profondément limpide, elle aurait pu s’y voir.
D’une main retenue à quelque basse branche.

Mais, pas même un instant, la femme n’y songea.
De sa rare beauté fièrement dédaigneuse,
Devant elle tout droit cheminant, la baigneuse.
Quand son pied toucha l’eau, d’un brusque élan plongea.

Filant comme une vive à rapide nageoire.
Elle reprit haleine au milieu de l’étang,
Où s’étalaient aux yeux, comme un jardin flottant,
Des nymphaeas ouverts, larges roses d’ivoire.

Comme elle, sur les eaux, respirant la fraîcheur.
En la voyant passer, de grands cygnes sauvages.
Qui lentement suivaient la courbe des rivages.
Parfois s’approchaient d’elle, émus de sa blancheur.