Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 56.djvu/450

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et remuant, jamais satisfait de la part pourtant grande qui lui est faite dans la remonte des haras en chevaux de sang.

Les traditions du passé ont été reprises avec l’application des progrès réalisés par la science moderne dans l’élevage du bétail. Le domaine de Pompadour se prête admirablement à l’élevage par l’étendue et la bonne disposition de ses prairies. Les hautes futaies qui les entourent abritent les animaux contre les grands vents; elles les préservent de l’excès du froid et du chaud. Sur leur terrain ondulé et parfois même escarpé, les poulains deviennent plus agiles que dans les plats pâturages. En revanche, c’est un sol granitique dont les herbes aromatiques, mais peu nourrissantes, donnent aux chevaux du nerf et de la légèreté, sans développer en eux une puissance de muscles indispensable à leurs usages actuels. Il y avait donc à reprendre l’amélioration du sol par les chaulages déjà tentée, vers 1840, pour l’ancienne jumenterie. Depuis cette époque, un chimiste contemporain, M. de Molion, a mis en lumière l’action bienfaisante des phosphates de chaux sur la végétation. Utile à tous les sols, cette substance précieuse convient surtout aux terrains granitiques, auxquels elle apporte des élémens qui lui font pour ainsi dire défaut. La production chevaline dans le Midi et particulièrement à Pompadour, trouve donc maintenant dans le phosphate de chaux le moyen d’améliorer le fourrage et, par suite, de donner au squelette des animaux un développement qu’il ne pouvait atteindre autrefois.

C’est grâce à cet amendement des fourrages, que les poulains arabes et anglo-arabes prennent, dès la première année, une très grande taille et une puissance des muscles à laquelle on ne semblerait pas devoir s’attendre, d’après les formes légères de leurs parens. Mais un tel résultat, évidemment avantageux, n’est pas sans porter atteinte à l’élégance originelle du cheval asiatique. Il n’en est pas autrement dans les haras d’Allemagne et de Russie, où s’opère l’élevage de l’arabe et de l’anglo-arabe. Une telle transformation ne saurait être préjudiciable, si les animaux conservent l’énergie et la rusticité qui sont et resteront toujours la vertu du cheval de service et surtout du cheval d’arme.

Au haras de Pompadour, les poulains sont donc élevés à la dure, tenus au pré toute la journée, et abrités la nuit dans des écuries ouvertes aux quatre vents. La constitution de ces animaux serait encore plus solidement trempée s’il était possible de les faire coucher en plein air, même au cœur de l’hiver. Mais la crainte des loups s’oppose à cette désirable mesure.

A l’âge de trente mois, les poulains sont soumis à un entraînement graduel, sur l’hippodrome tracé dans la vaste prairie s’étendant sous