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consacré pour l’enseignement supérieur. «L’immense majorité du parli républicain, dit très bien M. Jules Simon, était, à cette date, libérale. » Elle se défendait énergiquement par l’organe de ses membres les plus avancés, M. Brisson, M. Naquet, M. Paul Bert, de vouloir une liberté, d’enseignement ou d’association, qui ne profitât pas à tout le monde, même aux jésuites. Elle pouvait applaudir de violentes déclamations contre le cléricalisme : elle se refusait résolument à leur donner pour conséquence une dénégation de la liberté.

Le centre gauche avait fini par conquérir, dans l’œuvre constitutionnelle et dans l’œuvre législative de l’assemblée nationale, une influence prépondérante; mais le triomphe même de sa politique ne faisait que marquer une étape dans une évolution dont la direction avait déjà cessé de lui appartenir. Les partis de droite, dès 1872, comptaient avec un malin plaisir ses échecs successifs à toutes les élections partielles. Les élections générales de 1876 et de 1877, les élections partielles qui ont suivi et enfin les élections générales de 1881 lui ont été constamment fatales. Les partis de gauche pure et d’extrême gauche se sont enrichis à ses dépens et, par une force d’attraction qui se manifeste dans tous les mouvemens politiques, ils lui ont enlevé une grande partie de ses anciens adhérens. On se défend d’être centre gauche, comme on se défendait, il y a dix ans, d’être radical. Ceux mêmes qui n’abjurent pas ce nom démodé se laissent peu à peu entraîner hors des limites qu’ils s’étaient fixées, et si quelques-uns restent fidèles au programme de 1871 et de 1875, ils passent pour des défectionnaires, ils ne sont plus que « les dissidens du centre gauche. »

La situation des modérés, dans la période actuelle, est le contre-pied de celle qu’ils avaient su garder dans la période précédente. J’ai sous les yeux les procès-verbaux du centre gauche parlementaire pendant toute la durée de l’assemblée nationale. J’y vois sans cesse revenir la question des rapports avec les radicaux. On ne veut laisser aucune prise au soupçon d’une alliance effective. On accepte, non sans répugnance, une entente préalable pour le choix des présidens et des secrétaires des bureaux et pour celui des membres de certaines commissions importantes ; mais on y met toujours la condition que les résolutions prises au nom du groupe impliqueront la prédominance des idées les plus modérées. Aussi s’indignait-on de bonne foi et avec raison quand on était accusé de complaisance pour les radicaux. On pouvait montrer les radicaux réduits à leurs seules forces, toutes les fois qu’ils avaient prétendu affirmer leurs idées propres, et ne se rencontrant dans leurs votes avec les modérés que lorsqu’ils voulaient bien se ranger derrière eux. C’est ainsi que le centre gauche avait fondé la république avec le concours