Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 56.djvu/360

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Je ne connais pas, dans toute la Thuringe, une petite ville qui puisse se mesurer pour la beauté des rues, la propreté et la bonne construction des maisons, avec le dernier des villages entre la Moselle et la Meuse. Les paysans lorrains ont la tenue libre et dégagée, le regard franc, la réponse juste et prompte; avec leur cou nu, leur air martial, ils ont un aspect antique... »

Chose assez étrange, il ne loge pas à l’auberge: il loge chez l’habitant. Cette manière de voyager lui paraît très commode. « Tu ne saurais croire combien les voyages sont plus agréables depuis que chacun peut loger chez lui des étrangers. On vous fait asseoir auprès du feu, le maître de la maison à votre droite, la femme à votre gauche, les enfans approchent leurs petites chaises de paille, Maintenant il faut raconter du gouvernement de votre pays ce qu’on y dit des Français, quel est là-bas le sort des émigrés, quels sont les usages de votre nation. Et comme ce peuple est bon! comme il est facile à gagner! comme il est complaisant!

— « Les femmes cuisinent en s’agenouillant à terre devant la cheminée: cela fait de jolies scènes pittoresques, quand on vous laisse vous asseoir, comme étranger, auprès du feu ; la flamme vacillante, les figures de femmes à demi éclairées, l’espace sombre dans le fond, forment un ensemble plein de charme. »

Républicain de fraîche date, il en aies étonnemens. Dans un village auprès de Thionville, il loge chez un paysan qui est le maire de sa commune, ardent démocrate, ce qui ne l’empêche pas de faire valoir ses terres. « Jamais je n’ai vu les mœurs simples du vrai républicain sous une forme aussi digne de respect que chez ce maire. Il est riche et cependant il cultive son champ lui-même comme les autres paysans. Sa place de maire ne lui rapporte rien et lui cause toute sorte de tracas : mais aucune plainte, aucune marque de mécontentement ne vient à ses lèvres. Il a une fille très aimable de quatorze ans, nommée Madeleine. Je lui demandai : « Eh bien ! mademoiselle, poignarderiez-vous le premier consul s’il voulait se faire roi? » La réponse fut : « Ah! monsieur, de tout mon cœur! » Je ne pus me retenir (elle était assise à côté de moi) de l’embrasser pour cette réponse digne d’une Romaine. Aimable et vertueuse famille, tu as prouvé à l’enfant d’une nation étrangère que ce qu’on appelle vertu républicaine n’est pas une simple illusion de la jeunesse ! »

Un joli trait chez Hase, c’est l’amour des enfans : logé quelque part dans une famille catholique, il passe la soirée avec la petite fille de la maison, âgée de huit ans ; il lui fait réciter son Credo, son Pater, et il fait l’étonnement des parens, à qui il avait dit qu’il était d’une autre religion, en disant la liste des sacremens sur le bout des doigts. Chez les catholiques comme chez les jacobins il trouve l’expression