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Dieu nous garde de nous prononcer sur une affaire qui n’est point de notre compétence! Ce que nous savons, c’est que l’ingénieux microbe qui vient d’écrire ses mémoires s’élève énergiquement contre de telles accusations. Il soutient que ce ne sont pas les bactéries qui produisent la virulence, que c’est la virulence qui produit les bactéries, que ces êtres calomniés n’ont par eux-mêmes aucune action toxique, qu’ils sont le résultat et non la cause des altérations putrides. Il pourrait se faire que pareillement les intrigues dynastiques fussent condamnées à l’impuissance dans une république bien organisée, qui saurait se conduire et se gouverner, et qu’elles ne devinssent dangereuses que le jour où l’esprit de parti, qui est la pire des maladies virulentes, infecterait les institutions de son poison. On lit dans une autre page de l’opuscule que nous venons de citer que les remèdes antiputrides employés pour exterminer les microbes ont ce petit inconvénient « que pour purifier l’organisme entier, il faudrait porter le médicament à une dose qui deviendrait promptement mortelle. » L’auteur ajoute : « Il est vrai que le malade aurait toujours la satisfaction de mourir guéri. » Il pourrait arriver que par un accident semblable, les républicains voulussent se délivrer des inoffensifs prétendans qui les inquiètent en recourant à des lois violentes et tyranniques et que le remède fût cent fois pire que le mal. En ce cas, la république aurait, elle aussi, la satisfaction de mourir guérie.

Si les lois de proscription réjouissent ceux qui ont des haines à satisfaire, si elles rassurent les timides qui oublient les vrais périls et s’en créent d’imaginaires, si des philosophes, des sceptiques les votent à regret et l’oreille basse pour donner un gage à la discipline de leur parti et dans la persuasion qu’en toute chose il faut faire la part des fous, elles ne sont vraiment profitables qu’aux habiles qui les proposent et pour qui les opinions violentes sont un moyen d’arriver. Désespérant de parvenir aux premières places dans une république bien ordonnée et sagement progressive, ces habiles, ces fous rusés s’appliquent à tout brouiller, les idées et les affaires, ils s’efforcent d’engager la chambre comme le gouvernement dans la voie dangereuse des mesures d’exception. A la justice qui punit ils voudraient substituer celle qui prévoit et qui suppose, à la justice qui réprime des actes criminels celle qui poursuit des délits d’opinion ou de naissance et condamne un prévenu non pour ce qu’il a fait, mais pour ce qu’il est.

On commence par les princes, mais ce n’est qu’un commencement. Faute de mieux, on a fait mettre en non-activité par retrait d’emploi un général de division, un colonel et un capitaine qui ne s’étaient jamais écartés de leur devoir. Qui peut répondre qu’on s’en tiendra là et que les inquiétudes de l’armée soient sans fondement? — Que craignez-vous? nous dit-on. Tous les Français sont-ils donc exposés à se réveiller