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elle a eu pour conséquence, depuis un demi-siècle, la rareté des fouilles autorisées qui profiteraient au pays, la multiplication infinie des fouilles clandestines qui le mettent au pillage, l’exportation en masse des petits objets qu’on peut dérober à la surveillance, enfin et surtout le vandalisme odieux qui mutile les objets trop considérables pour les exporter et les débiter en fragmens.

Depuis vingt ans il n’y a guère eu en Grèce que six explorations archéologiques importantes, dont quatre seulement ont été l’œuvre d’étrangers. L’École française d’Athènes a commencé des fouilles à Santorin et rendu à la lumière une grande partie des ruines de Délos ; l’Allemagne a fait déblayer, au prix de sacrifices énormes, le territoire sacré d’Olympie; M. Schliemann a découvert les fameux tombeaux de Mycènes ; enfin la Société archéologique a exploré la partie méridionale de l’Acropole et fouillé les tombeaux de Spata en Attique, dont le rapprochement avec les tombes royales de Mycènes a été un trait de lumière pour l’histoire de l’art. En 1881 et 1882, la Société archéologique a commencé des fouilles à Eleusis et à Épidaure, et ces fouilles, dont on attend beaucoup, doivent être poursuivies cette année. Tous les objets découverts par l’École française, par l’Allemagne et par M. Schliemann sont restés la propriété du gouvernement grec; par exception, on a fait don à l’Allemagne d’un petit nombre de duplicata provenant des fouilles d’Olympie, mais les objets cédés, quoi qu’on en ait dit, n’ont qu’une très médiocre importance. On voit donc qu’en accordant aux étrangers le droit de dépenser leur argent et leur temps pour enrichir ses musées, le gouvernement grec conclut avec eux un contrat léonin où tous les avantages sont pour lui. Non-seulement ses collections s’enrichissent sans qu’il fasse d’autres frais que ceux de l’entretien d’un commissaire, mais le pays environnant les localités étudiées bénéficie des dépenses considérables que comporte une exploration scientifique. Dans ces conditions, on serait tenté de croire que la Grèce sollicite les étrangers de fouiller chez elle et que ceux-ci, craignant d’être dupes, refusent d’accéder à ses offres. C’est cependant tout le contraire qui a lieu. La convention autorisant l’Allemagne à déblayer Olympie a rencontré la plus vive opposition au sein de la Chambre ; on a été jusqu’à dire qu’elle déshonorait le pays. Lorsqu’il s’est agi de céder quelques objets de peu de valeur trouvés en double, les scènes et les protestations ont recommencé. Cette opposition inintelligente est tout à fait blessante pour un pays qui a dépensé plus d’un million au profit de la Grèce. Faut-il y voir l’effet d’un patriotisme mal