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Pour quelqu’un qui, comme moi, a visité le pays pour la première fois en 1866 et depuis y est revenu à plusieurs reprises, il est facile d’apprécier le progrès accompli déjà. Mais il n’est rien encore à côté de celui qui reste à réaliser. La transformation n’est pas aussi rapide qu’on eut pu l’espérer. Les capitaux manquent, et pour l’achever il faudrait un développement des institutions de crédit agricole qui fait défaut à l’Italie.

C’est au centre de la plaine du Tavoliere que s’élève la ville populeuse qui, depuis le moyen âge, est restée le chef-lieu de la Capitanate, .Foggia n’a pas une origine antique; elle a remplacé l’ancienne Cité d’Arpi, appelée Argyrippa des Grecs, qui lui donnaient Diomède pour fondateur. Arpi était la cité principale du peuple des Dauniens et n’a laissé que des ruines insignifiantes, éloignées de Foggia d’environ 8 kilomètres dans la direction du nord. La substitution d’une ville à l’autre, le déplacement du centre de la population a dû s’opérer sous la domination des Byzantins, mais on en ignore la date précise. En tout cas, Foggia existait déjà lors de l’établissement des Normands, sous lesquels elle prit un rapide essor. Sa fortune a été toute commerciale et administrative ; elle était le principal marché où les pâtres du pays environnant venaient s’approvisionner et vendre leurs troupeaux, le siège des employés du fisc chargés de percevoir l’impôt de la fida. Aussi, dans toutes les guerres qui ont ravagé pendant des siècles cette portion de l’Italie, la possession de Foggia était-elle considérée comme une chose capitale: elle assurait immédiatement de grandes ressources financières. C’est pour la commander, avec toute la plaine, que Frédéric II choisit Lucera, située à 17 kilomètres de là et regardée comme la clé du pays, pour y établir les cantonnemens fixes de ses Sarrasins. En lisant les récits des luttes entre Français et Espagnols pour la possession du royaume de Naples sous Charles VIII, Louis XII et François Ier, il est impossible de ne pas être frappé de ce que les mouvemens des armées y ont d’inexplicable au point de vue purement stratégique. Quel que soit l’état de la campagne en cours d’exécution, quelques résultats que l’une ou l’autre des deux parties semble au moment d’atteindre, brusquement toutes deux abandonnent à l’automne les opérations commencées pour se précipiter sur la Capitanate. C’est qu’elles cherchent à se gagner de vitesse et que la première arrivée des armées lèvera sur les troupeaux, à leur descente des montagnes, le tribut qui constitue le revenu le plus clair de la couronne et permettra de nourrir la guerre pendant une année encore. Il arrive même quelquefois que, lorsqu’une des armées n’a pas assez devancé l’autre et n’est pas en force suffisante pour l’empêcher de s’emparer des péages, elle se jette sur les troupeaux en route et en fait une