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I.

Termoli, sous le nom latin de Termulœ, qu’on lui donnait au moyen âge, n’est mentionné par aucun écrivain classique, mais il est possible que cette ville occupe l’emplacement de l’antique Buca, l’une des cités des Frentani. En tout cas, elle faisait partie du territoire de ce peuple, étroitement apparenté aux Samnites. De même aujourd’hui, Termoli appartient officiellement à la province de Chieti, dans les Abruzzes, mais, à beaucoup de points de vue, cette localité se rattache à la Pouille et en est comme l’entrée pour le voyageur venant du nord de l’Italie. C’est une petite ville de quelques milliers d’habitans à peine, « la plus sale de la côte de l’Adriatique, » disent les Guides du voyageur, et certes cette réputation n’est pas usurpée. Je n’ai presque rien vu nulle part d’aussi repoussant de saleté que la vieille cité de Termoli, si ce n’est peut-être la ville haute de Syra, dans l’Archipel, qu’elle m’a rappelée par bien des traits. Lisez d’ailleurs ce qu’en dit dans ses lettres Paul-Louis Courier, qui faillit y être massacré dans une émotion populaire; elle n’a changé en rien depuis son temps.

C’est un dédale de petites ruelles au milieu de maisons croulantes, à demi ruinées depuis le sac par les Turcs, en 1567, et de l’aspect le plus misérable. Un fumier gluant et infect, que le soleil, ne parvient point à sécher, y couvre d’une couche épaisse le pavé plein de trous et de fondrières. Dans cette fange grouillent pêle-mêle des enfans déguenillés et à demi nus et un peuple de cochons noirs beaucoup plus nombreux que les habitans de notre espèce. Nulle part, si ce n’est dans quelques villages de l’Irlande, on ne voit pareille promiscuité d’existence entre les humains et les porcs. Ici, sur le pas d’une porte, une vieille femme est assise avec une énorme truie couchée à ses pieds; la bête sommeille voluptueusement, le ventre au soleil, le dos dans les ordures, la tête reposant sur les genoux de la maîtresse comme celle d’un chien favori. Là, le regard, plongeant dans l’intérieur d’une maison, laisse apercevoir, sur la terre battue qui forme le plancher, un enfant vêtu d’une simple chemise et un jeune goret couchés et dormant ensemble en se tenant embrassés. C’est une fraternité vraiment touchante et dont le spectacle amuserait si l’on ne se sentait pas, en parcourant les rues, bientôt envahi par des légions de parasites qui pullulent dans cette saleté. La ville neuve, qui s’est bâtie depuis quelques années auprès de la station du chemin de fer, a des maisons construites d’hier, encore en partie éparses dans les champs, sans physionomie,