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J’en ai dit assez, je crois, pour faire voir combien, dans toute cette histoire, les faits s’enchaînent l’un à l’autre et jusqu’à quel point on y trouve une suite logique, une marche régulière et rationnelle qui charme l’esprit. C’est ce que M. Perrot a mis en pleine lumière. Mais il ne s’est pas contenté de démontrer, pour ainsi parler, l’art égyptien, il nous le montre aussi, et c’est un des plus grands services qu’il puisse nous rendre. Par un choix de monumens, de bas-reliefs, de figures très fidèlement copiés, il nous met devant les yeux les chefs-d’œuvre de cette ancienne école. Dans cette partie de sa tâche, l’habileté de son collaborateur lui a été fort utile. M. Chipiez est un architecte distingué, auteur d’une Histoire critique de l’origine et de la formation des ordres grecs à laquelle l’Académie des inscriptions a décerné une de ses plus hautes récompenses. On pouvait se fier à lui pour reproduire les anciens monumens avec exactitude et intelligence ; mais il a fait davantage. Il ne lui a pas suffi de nous les donner toujours comme ils sont aujourd’hui. Le temps les a quelquefois trop maltraités pour qu’on puisse aisément deviner ce qu’ils devaient être ; M. Chipiez, quand il en est besoin, les reconstruit ou les répare. Ces restaurations ingénieuses complètent l’effet des descriptions de M. Perrot et nous donnent un. sentiment, plus vif de cette belle architecture. Mais ce n’est pas encore à ce travail, quelque important qu’il soit, que s’est bornée la collaboration de M. Chipiez : on la sent dans tout l’ouvrage ; elle lui communique, par la façon dont sont traités les détails techniques, un caractère de précision et de sûreté qui inspire confiance aux lecteurs les plus difficiles. Ce n’est pas un de ces livres de vulgarisation commune où l’auteur, qui comprend à moitié, s’adressant à des personnes qui ne comprennent pas du tout, cherche moins à les instruire qu’à leur donner la satisfaction, ou plutôt l’illusion de croire qu’elles savent quelque chose. Celui de MM. Perrot et Chipiez est plein d’une science étendue et solide, et il nous apprend de l’art égyptien tout ce qu’on peut en savoir aujourd’hui.

Ce premier volume achevé, nos deux auteurs ont courageusement remonté vers la Haute-Asie et ils ont entrepris de nous faire connaître. l’ait de l’Assyrie, de la Chaldée, de la Phénicie. Les voilà aux prises avec un sujet plus difficile encore et plus obscur. S’ils trouvent moyen d’être aussi intéressans et aussi instructifs dans ce travail qu’ils l’ont été en étudiant l’Egypte, nous attendrons avec moins d’impatience que le tour de la Grèce arrive.


GASTON BOISSIER