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mais elles ne seront pas écrasantes : en tous cas, partagées entre les compagnies et l’état, les dépenses du troisième réseau n’auraient point pour conséquence l’hypothèque à long terme, la ruine du budget, ainsi que la dépression du crédit public et du crédit des compagnies. C’est dans cet esprit de conciliation et avec la notion intelligente des intérêts et des besoins respectifs, que les négociations doivent être conduites, et l’opinion publique serait sévère pour celle des deux parties qui encourrait à ses yeux la responsabilité d’un échec.

Dans l’étude si difficile de cette question des chemins de fer, le dernier mot appartient au patriotisme. Quel que soit l’intérêt gouvernemental, ministériel, électoral, qui s’attache à l’exécution du plan de M. de Freycinet, il faut à tout prix que le budget extraordinaire ne soit point condamné d’abord à absorber toutes les ressources disponibles du trésor par des emprunts déguisés, puis à emprunter directement 700 ou 800 millions par an pendant les prochains exercices. Qu’arriverait-il, a dit M. Buffet au sénat, « si, persistant en pleine paix dans ce déplorable système d’emprunts continus, nous avions à affronter une grande crise nationale ? .. Je vous adjure de tenir compte de certaines éventualités qu’il n’est donné à personne d’écarter et que nous ne pourrions affronter avec succès, le jour où elles viendraient nous surprendre, que si nos finances étaient parfaitement dégagées et si nous n’avions pas créé nous-mêmes par une dette flottante exagérée ou par des emprunts réitérés des difficultés peut-être insurmontables à l’effort suprême que le pays, pour sa sécurité, pour son honneur, pour son existence même, serait obligé de faire. » Voilà comment la question des chemins de fer n’est plus seulement une question de budget, elle s’élève à la hauteur d’une question de patriotisme. Voilà pourquoi il est absolument urgent de la résoudre. Un plus long retard ajouterait à la perspective du désordre financier la menace, autrement sérieuse, d’un péril national.


C. LAVOLLEE.