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facilités pour les transports avec des tarifs aussi modérés que possible. Ce résultat est obtenu sous le régime actuel. L’administration d’un chemin de fer est toujours en éveil pour développer les mouvemens de la circulation et, à cet effet, elle combine et elle réduit les tarifs. Le contrôle que le gouvernement exerce par le droit d’homologation suffit pour écarter les combinaisons qui pourraient être critiquées. L’état, maître des tarifs, ferait-il mieux ? La rédaction des tarifs, substituée à l’homologation, le mettrait infailliblement en lutte avec les compagnies, avec les populations, avec les sénateurs et les députés et les conseillers-généraux, avec tout le monde. S’il édictait un tarif trop bas, les compagnies réclameraient avec raison et se défendraient contre une décision qui serait ruineuse non-seulement pour elles, mais encore pour le trésor, garant des emprunts. S’il prenait une mesure justifiée par l’intérêt de telle ou telle région, il se verrait assailli par les exigences des autres régions prétendant au bénéfice égal de cette mesure, sans y avoir le même droit. Ce seraient, de tous côtés, des pétitions, des réclamations, des sommations, auxquelles les influences politiques et électorales donneraient une puissance irrésistible. Maître des tarifs, le gouvernement aurait seul la responsabilité. Les cabinets étrangers pourraient même diplomatiquement lui demander compte des tarifs qui auraient pour résultat de nuire aux opérations de leurs nationaux et d’avantager leurs concurrens des autres frontières. Non, l’état n’a pas intérêt à se charger de tels soucis. S’il y a des imperfections ou des lacunes dans les tarifs établis par les compagnies, ces inconvéniens, qui peuvent d’ailleurs être réformés, sont loin d’égaler ceux que présenterait le système des tarifs établis par l’état.

Depuis deux ans, sur l’invitation du ministre des travaux publics, les compagnies ont étudié la refonte de leurs tarifs, en vue de les simplifier, de les rendre plus uniformes et, en apparence, plus logiques. On a cherché, par exemple, à généraliser la règle du « tarif décroissant selon les distances, » règle appliquée sur le réseau des chemins de fer de l’état, sur le réseau modèle. Ces études, entreprises avec le désir de donner satisfaction au parlement et de calmer les sentimens d’hostilité qui persistent contre les grandes compagnies, n’auront pas été stériles. Elles amèneront quelques réformes, elles rendront peut-être les négociations plus faciles ; mais il est permis de prédire que le barème officiel ne tiendra pas longtemps contre la réalité des faits, contre la diversité des besoins de transport. L’égalité méthodique, en fait de tarifs, n’existe pas. Un tarif de chemin de fer est essentiellement flexible, par conséquent variable selon les conditions particulières de chaque