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divers systèmes, les ministres des travaux publics (et ils ont été nombreux) ont fini par ne rien trouver de mieux que le régime constitué en 1859, et ils ont très résolument proposé de l’appliquer au développement des chemins de fer républicains. Pourquoi, en effet, changer un système qui donnait de bons résultats et comment ne point tirer parti d’une organisation qui avait fait ses preuves ? Il était tout à la fois avantageux et commode de traiter, par voie de continuation, avec les anciennes compagnies, et l’on pouvait apprécier assez facilement, de part et d’autre, la portée des clauses financières à insérer dans les contrats. Il faut reconnaître que cette appréciation est aujourd’hui très aventurée en présence des complications et de l’alea que contient nécessairement une entreprise de 17,000 kilomètres. Au lieu de procéder avec méthode et avec mesure à l’augmentation du réseau, le programme de M. de Freycinet a jeté en quelque sorte sur le marché une masse énorme de travaux, dont l’exécution presque simultanée doit être fort onéreuse, et dont les produits futurs, ou plutôt les pertes, ne sauraient être prévus ou calculés, même approximativement. Quoi qu’il en soit, cette difficulté, qui se rencontrerait dans toutes les combinaisons, n’est point faite pour détourner le gouvernement de traiter avec les grandes compagnies. Telle était l’intention du ministère présidé par M. Gambetta. De sérieuses négociations avaient été entamées pour liquider de cette façon la question des chemins de fer. Elles ont été abandonnées, puis reprises ; nous devons souhaiter qu’elles aboutissent.

Les autres combinaisons ne résistent pas à un examen pratique. Veut-on provoquer la création d’un certain nombre de compagnies auxquelles seraient concédées les lignes nouvelles groupées dans une même région ? Cela est impossible. Ces lignes, dont la plupart ne sont que des tronçons, se trouvent enchevêtrées dans le réseau des anciennes compagnies, et elles ne peuvent pas être exploitées isolément : les convenances du service et l’économie exigent que leur exploitation se confonde avec celle des grandes lignes dont elles forment les affluons. Il est vrai que, pour faciliter la combinaison, l’on a proposé de faire table rase de toutes les concessions existantes au moyen d’un rachat général, de tracer à nouveau la carte des chemins de fer, de constituer des groupes régionaux, qui seraient bien délimités, et de réorganiser ainsi définitivement, ne varietur, tout le système. Le procédé est à coup sûr héroïque, mais il est inutile de s’y arrêter, puisqu’il suppose le rachat pour point de départ et que l’hypothèse du rachat n’est même plus en discussion. Et-il d’ailleurs admissible que le législateur veuille et puisse démolir ce qui a été si péniblement édifié, troubler tant d’intérêts,