Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 55.djvu/867

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

facilement que les grandes compagnies, ayant à peu près achevé leurs constructions, devaient cesser de demander à l’épargne et au crédit le capital à peu près égal qu’elles appelaient chaque année par l’émission de leurs obligations. Enfin, tout en proposant d’organiser immédiatement les travaux sous la direction et avec les fonds de l’état, il ne renonçait pas à l’idée de recourir à l’industrie privée, de concéder soit aux compagnies existantes, soit à des compagnies nouvelles, tout ou partie des lignes à exécuter, et l’on se souvient de l’insistance éloquente avec laquelle il priait, il sommait presque la chambre de se prononcer sur le régime de l’exploitation, parce que, suivant lui, et avec raison, la décision prise quant à ce régime devait tout à la fois faciliter la construction du troisième réseau et diminuer les charges très lourdes qui, en attendant, pèseraient directement sur le trésor public. — Tel était, et plus formel encore, le sentiment de M. Léon Say, ainsi que l’ancien ministre des finances l’a exposé dans ses écrits et dans ses discours. En adhérant, non sans quelques soucis et dans des limites déterminées, au programme grandiose dont l’intérêt politique pouvait excuser la témérité, M. Léon Say, éclairé par son expérience financière et par ses études économiques, comptait absolument sur le concours le plus large de l’industrie privée, sur la solution prochaine du problème de l’exploitation et sur la cessation de ce régime provisoire dans lequel l’état use ses ressources, son crédit, sa responsabilité, à construire et à exploiter des chemins de fer. Lorsque, redevenu ministre des finances en 1882, il a dû préparer le budget de 1883, il a rencontré les plus grandes difficultés pour établir l’équilibre ; il n’y est parvenu qu’au moyen d’expédiens plus ou moins contestables ; et il a été en mesure d’observer à quel point se sont multipliées, au grand dommage de notre situation financière, les erreurs, les déceptions qui s’attachent à l’exécution du programme de 1878. Non-seulement ce programme, par une extension imprévue, a brisé son cadre primitif ; non-seulement il n’a plus à sa disposition une partie des ressources sur lesquelles on croyait pouvoir compter, les plus-values annuelles du budget ordinaire étant absorbées, et au-delà, par des crédits supplémentaires de toute nature ; mais encore les travaux ont été engagés de telle sorte que l’erreur financière et économique devient presque irrémédiable et qu’il sera bientôt impossible d’y parer.

Le troisième réseau des chemins de fer d’intérêt général se compose actuellement de 17,811 kilomètres. Sur ce nombre, 1,137 kilomètres sont achevés, et l’on compte en cours de construction, d’après les calculs de M. Sadi-Carnot, 5,087 kilomètres répartis entre cent quarante-quatre lignes différentes, ou, selon les calculs de M. Krantz,