Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 55.djvu/792

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prétend que nous jouons un rôle de dupes en protégeant des Italiens, des Espagnols, des Belges, qui, au fond, nous détestent. Or c’est le contraire qui est la vérité ; car, si nous ne les protégions pas, ils se feraient protéger par leurs gouvernemens respectifs, qui s’empareraient ainsi d’une partie de l’influence catholique. Plus certains membres des congrégations sont animés contre nous de sentimens malveillans, plus il importe que nous continuions à exercer sur eux un protectorat qui est une tutelle. C’est par là que nous les tenons. Comme ils sont obligés de recourir sans cesse à nous, comme ils doivent s’appuyer sur nous dans leurs démêlés avec les autorités indigènes, comme nous pouvons à notre gré les servir ou les desservir, ils restent en quelque sorte dans nos mains, ils ne sauraient travailler ouvertement et efficacement contre nous. Il ne faudrait pas croire qu’ils ne fassent aucun effort pour échapper à une situation d’autant plus pénible pour eux que, non-seulement ils voient en nous des rivaux de leur patrie, mais, que depuis les décrets, il nous regardent comme les adversaires de leur foi. Ils ont essayé, par exemple, de soutenir que, si nous avions le protectorat collectif de leurs communautés, ils dépendaient comme individus de leurs propres consuls et avaient le droit de s’adresser à eux pour ce qui les concernait particulièrement. Mais il n’a pas été difficile de repousser cette prétention, dont le triomphe aurait livré à la plus grande anarchie les institutions catholiques. N’y a-t-il pas, en effet, dans ces institutions des prêtres polonais, par conséquent des sujets russes, des prêtres anglais, prussiens, italiens, autrichiens, ottomans, chinois, etc. ? Et comment veut-on qu’avec un personnel aussi cosmopolite elles puissent ester en justice si elles ne relèvent pas d’une seule protection ? On convient de cela ; mais on fait une distinction entre les questions ou affaires purement personnelles et celles de l’établissement. Par malheur, il n’est pas facile de dire où commencent et où finissent les questions purement personnelles, et comment un couvent, une école, un asile peuvent, en pays barbare, se considérer comme suffisamment protégés si, à la moindre affaire plus ou moins personnelle, tout agent quelconque est libre d’y pénétrer et d’y instrumenter à son gré. Notez qu’à ce compte-là, on ne pourrait pas plus en exclure les Turcs ou les Chinois que les Italiens ou les Autrichiens, car les Turcs et les Chinois ont des sujets dans les congrégations, aussi bien que les Italiens et les Autrichiens. Détacher de la protection des missions celle des membres qui les composent est impossible. Les missions elles-mêmes le sentent ; c’est pourquoi, malgré les répugnances de plusieurs d’entre elles, aucune ne s’est soustraite à notre autorité.