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Ainsi échappent des publications d’un grand intérêt pour l’histoire.

Pourquoi multiplier ces exemples ? Le fait est certain. Le dépôt légal alimente nos collections publiques d’une manière incomplète ; l’institution fonctionne mal. Comme nt réparer ce désordre ? La loi n’a-t-elle pas de sanction ? L’imprimeur qui ne dépose pas n’est-il point passible d’une amende de 16 à 300 francs ? Que les tribunaux de répression assimilent le dépôt mal fait à l’omission de tout dépôt, et il semble que tous les abus seront réprimés.

Malheureusement, la sanction pénale est en réalité illusoire. La poursuite des contraventions en matière de presse se prescrit par trois mois. Or l’omission de dépôt est un fait que la vigilance de l’administration de la Bibliothèque, quelque attentive qu’elle soit, ne permet pas toujours de découvrir ; le plus souvent, le hasard ou la demande d’un lecteur révèle les lacunes, et il est toujours trop tard pour agir. Les préfets n’envoient au ministère de l’intérieur les livres déposés qu’à de longs intervalles, lorsque le nombre permet d’en former un ballot. Le plus souvent ils arrivent après l’accomplissement de la prescription. Il est vrai que les livres déposés à Paris parviennent plus tôt. Mais la vérification de l’état des exemplaires, la réclamation transmise au ministère de l’intérieur, absorbent plusieurs semaines, et lorsque la direction de la librairie fait connaître à l’imprimeur que l’exemplaire déposé est incomplet, le délai est expiré, l’imprimeur peut refuser d’agir. En même temps que la sanction s’est évanouie, l’imprimeur, il faut le reconnaître, a perdu tout moyen de réparer son omission ; Le voulût-il, il ne pourrait remettre au ministère un nouvel exemplaire. L’édition entière est sortie de ses ateliers pour être portée chez le libraire. C’est là qu’elle est désormais déposée. En fait, c’est l’éditeur que la bibliothèque, privée de toute arme légale, va trouver, c’est à lui qu’elle demande un acte de complaisance.

Ceci découvre le vice de la loi. Rien n’aura été fait tant qu’un droit vis-à-vis de l’éditeur n’aura pas été donné au représentant de nos collections nationales.


IV

Pour une œuvre de surveillance politique, l’obligation devait peser sur celui qui imprime. Au sortir de la presse, le papier qui venait, en se couvrant d’encre, de revêtir la pensée de l’auteur, devait sans retard être mis sous les yeux de l’autorité. L’urgence de