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libertés provinciales, la capitale se mit à la tête de la résistance. Quand les janissaires de Stamboul furent détruits, les spahis de Serajewo trouvèrent un dernier refuge dans leur citadelle, mais la fortune se déclara contre eux : le vizir turc s’empara de la forteresse, où il s’installa, et cent des principaux citoyens de la ville furent proscrits et misa mort. Cependant ce premier succès des Osmanlis ne dura que quelques mois : en juillet 1828, les habitans de Serajewo, aidés par ceux de Visoka, commencèrent dans les rues de leur ville une lutte désespérée contre les deux mille soldats de la garnison, et bientôt le pacha vaincu fut heureux de pouvoir sauver sa vie et celle des Turcs qui n’avaient pas péri pendant le combat. Quelques années après, néanmoins, Serajewo retomba pour la seconde fois au pouvoir des Osmanlis, et ils l’occupèrent sans contestation jusqu’en 1850. Les habitans s’étant révoltés de nouveau à cette époque, ils furent définitivement vaincus et leurs privilèges municipaux disparurent en même temps que la féodalité bosniaque. Depuis ce temps, le pacha résidait à Serajewo, mais cette ville n’en est pas moins restée en Bosnie le foyer du fanatisme musulman et de la résistance aux idées de progrès et de transaction avec les giaours.

Dès leur arrivée, les Autrichiens, comprenant combien il leur serait avantageux de conserver l’esprit municipal de la capitale et de s’en servir pour le maintien de l’ordre et comme moyen d’apaisement, s’empressèrent de confirmer les pouvoirs du conseil communal (mahalebaschi ou hodschabaschi), en y adjoignant les habitans les plus notables et les plus considérés et en lui donnant pour chef ou bourgmestre un des musulmans les plus respectés de la ville, Mustapha Bey. Ce personnage tient plutôt sa notoriété de son père que de lui-même ; en effet, il est le fils de Fazli-Pacha, ancien gouverneur de la ville, dont les grandes richesses (on estime sa fortune à 5 millions), l’énergie et l’intelligence prudente ont fait le personnage le plus en vue de toute la province. Son fils, Mustapha-Bey, quoique moins bien doué que son père, n’en avait pas moins un esprit droit et éclairé et une parfaite connaissance des exigences locales ; le choix ne pouvait donc être meilleur, et le général Philippovitch a eu d’autant plus raison de le faire que Fazli-Pacha et son fils s’étaient toujours tenus à l’écart de l’insurrection et avaient accueilli les Austro-Hongrois de la façon la plus correcte, sinon la plus amicale.

FazIi-Pacha est avant tout, en effet, un fidèle serviteur du sultan : il descend d’une famille arabe, et ses ancêtres portaient le titre de scherif zade. ou descendant du Prophète ; en l’an 900 de l’hégire, ils allèrent, en Crimée. où le chef de famille se fit un nom comme écrivain. C’est le fils de celui-ci qui, étant venu à Serajewo l’an 1100 de l’hégire, y épousa la fille d’un riche beg appelé Tetchitch, dont un